Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 36.djvu/785

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un des principaux chefs de l’endroit afin d’extorquer de nouvelles provisions ? Marsden répondit que désormais de tels actes ne resteront plus impunis ; il suffira de se plaindre à l’un des membres : de la mission en résidence à la baie des Iles, M. Kendall, qui est muni d’un pouvoir spécial, et justice sera faite par le gouverneur de la Nouvelle-Galles du Sud.

Comme toujours, les Néo-Zélandais, regardant les objets qui se trouvaient sur le vaisseau, exprimaient des surprises ; cette fois la surprise fut au comble à la vue des chevaux et des bêtes bovines. Rien de plus concevable ; on a souvent parlé de la stupéfaction qu’éprouvèrent les Indiens de l’Amérique en présence des chevaux qu’avaient débarqués les Espagnols. Ce qui parut encore fort curieux, c’était de voir les Anglais se raser ; en considérant l’opération, pour eux tout à fait singulière, les gens du cap Nord demeuraient bouche béante, comme interdits. Ce monde naïf ne cessait de s’amuser des miroirs ; on sautait de joie après avoir examiné son image, et pourtant les navigateurs avaient déjà fait, en-toute rencontre, avec les miroirs les délices des peuplades qu’ils avaient visitées. De la part des Néo-Zélandais, les démonstrations amicales étaient excessives, et les missionnaires jouissaient de voir les affections du cœur vives, ainsi que seuls les conservent les hommes de la nature. Jamais le révérend Marsden ne passa journée plus agréable ; il nous en a donné l’assurance[1]. Les insulaires charmaient par des façons gracieuses ; néanmoins on s’efforçait d’éviter le contact de leurs personnes. Il était trop évident que ces aimables sauvages n’avaient pas songé une seule fois en leur vie à l’usage de l’eau.

L’embarcation partie pour prendre des vivres revient chargée de beaux poissons ; on les paie de quelques clous. Des pirogues accostent le vaisseau, un trafic s’établit entre les matelots et les Néo-Zélandais ; Marsden entretient les principaux personnages de son projet et distribue une sorte de proclamation rédigée avant le départ. Tuatara, de retour de son excursion, se loue de ses compatriotes, mais il n’engage pas les missionnaires à trop s’y fier. On quitte le cap Nord, jugeant tout à fait romantiques les paysages qu’on découvre de la côte, et, après quelques heures de navigation, on entre dans la baie Douteuse[2]. On contemple les sites pittoresques, et c’est un éblouissement ; le capitaine du navire, marin connaissant le monde, assure que ce rivage ressemble à la côte de Norvège, toujours admirée des voyageurs. Des baies, des havres, des promontoires s’offrent aux regards dans une brusque succession, en même temps que les collines verdoyantes et les vallées aux ondulations capricieuses ravissent les yeux. On apprend que dans

  1. Missionary Register, 1816.
  2. Doubtless Bay.