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de l’accompagner. Le jeune homme ne cède aux sollicitations qu’avec répugnance sous la promesse formelle d’être reconduit à la baie des Iles ; Bruce et sa femme montent sur le vaisseau. Au cap Nord on ne découvre nulle trace de poudre d’or ; le capitaine juge le vent favorable pour s’en aller ; il gagne le large et entraîne George Bruce à Malacca. Dans une descente à terre, il l’abandonne sur la grève, et continuant sa route, il ira vendre la femme à Penang. Le malheureux époux de la fille de Tepahi court à la recherche de sa compagne ; touché de son sort, le gouverneur de Penang le fit rentrer en possession de sa femme et assura son retour en son pays d’adoption. Au récit d’une pareille aventure, le sentiment qui agita l’âme des Néo-Zélandais dut être plein de haine pour les étrangers.

Trente et quelques années s’étaient écoulées depuis les jours de Cook, et le monde n’avait été informé d’aucune observation neuve sur la Nouvelle-Zélande. Un médecin, le docteur John Savage, est le premier à transmettre des impressions et divers renseignemens d’un certain prix. Il entrait dans la baie des Iles le 20 octobre 1805, dessinant les roches qui semblent la défendre, notant les écueils et l’endroit propice pour jeter l’ancre. Abordant le rivage que l’on dit peuplé de cannibales, le voyageur, fort ému, éprouve bientôt une agréable surprise ; les naturels ne manifestent aucun signe de férocité. Près de la côte, il y a des espaces cultivés, sur chaque plantation une hutte bien construite ; les habitans s’empressent d’apporter au navire poissons et pommes de terre en abondance[1]. Au voisinage de la baie, les arbres sont rares ; les grandes forêts sont à la distance de 15 ou 20 milles. Il existe plusieurs villages et nombre de cases éparses ; sur les ruisseaux où les pirogues peuvent être tirées à terre, on trouve une famille établie. Dans ses excursions, l’étranger ne se lasse point d’admirer les pins énormes ; un seul tronc permet de confectionner une embarcation capable de porter une trentaine d’hommes. Les fougères poussent en masses pressées ; les indigènes cuisent et mangent les racines d’une espèce particulière comme au temps de Cook, préférant néanmoins les pommes de terre. Le jade vert, précieux par sa dureté, sert toujours à fabriquer des outils, mais il a perdu de sa valeur depuis que les instrumens de fer ont été répandus par les Européens. Le docteur Savage n’a pas vu d’autres mammifères que des chiens aux oreilles dressées, au poil en général noir et blanc ; il a beaucoup remarqué un pigeon volumineux et superbe : il l’a mangé avec délices. Il accorde faveur aux huîtres malgré leur forme irrégulière ;

  1. Some Account of New-Zealand particularly the bay of Islands, by John Savage ; London, in-8o, 1807.