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ESSAIS ET NOTICES.
Histoire de la machine à vapeur, par R.-H. Thurston, avec une introduction par M. J. Hirsch, 2 vol. in-8o ; Germer-Baillière.


S’il est vrai, comme nous l’affirment bon nombre de penseurs, que le travail de l’homme est soumis à une loi d’évolution en vertu de laquelle il sera graduellement affranchi du joug de l’effort matériel, on peut dire que de l’apparition de la machine à vapeur date une ère nouvelle dans l’histoire des sociétés humaines. Les machines sont des combinaisons d’organes par le moyen desquels l’homme oblige une force de la nature à travailler pour son compte et sous sa direction ; or rien n’est comparable aux résultats qui ont été obtenus sous ce rapport depuis que la machine à vapeur a permis de réduire en servitude la chaleur. Aussi l’histoire du développement, ou, comme dit M. Thurston dans un langage imagé, de la « croissance » de ce merveilleux engin offre-t-elle un véritable intérêt philosophique, en dehors de cet intérêt de curiosité qui s’attache à toute invention ; et l’on peut s’étonner à bon droit que si peu d’écrivains aient été tentés d’en retracer les progrès à grands traits, de manière à faire saisir toute l’importance du rôle qui est dévolu à la machine dans le monde moderne.

C’est pourquoi nous sommes heureux de signaler l’ouvrage nouveau dont vient de s’enrichir la Bibliothèque scientifique internationale, et qui a pour auteur M. Thurston, professeur de mécanique à l’Institut polytechnique Stevens, à Hoboken (New-York). C’est en Amérique qu’il faut aller chercher aujourd’hui les derniers perfectionnemens du steam engine, et c’est là une raison qui s’ajoute à tant d’autres pour recommander ce traité, écrit par un homme du métier, avec la verve et la vivacité d’un adepte enthousiaste et convaincu. Comme le dit justement M. Hirsch dans son introduction, « ce livre, très sérieux au fond, fort indépendant dans la forme, est tout empreint de vigueur et d’une vitalité énergique. » Il importe d’ajouter que M. Thurston ne s’est point contenté de raconter comment, par les efforts accumulés, sinon continus, d’un grand nombre de chercheurs, la machine à vapeur est peu à peu devenue ce qu’elle est ; il a consacré plusieurs chapitres d’un grand intérêt à l’exposition des principes de la théorie mécanique de la chaleur dans leurs rapports avec la théorie des machines. On y trouvera ; des considérations neuves sur les causes et l’étendue des pertes de chaleur dans la machine à vapeur, et sur les moyens qui sont ou pourraient être employés pour réduire ce gaspillage de force, toujours effrayant, malgré les progrès remarquables qui ont été réalisés dans cette voie depuis vingt ans.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.