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participation des communautés religieuses à l’enseignement, pour toutes ces questions dont on fait tant de bruit en France. Les congrégations ne sont pas reconnues, elles ont été supprimées, c’est-à-dire qu’elles ont perdu la personnalité civile. Elles n’ont pas cessé pour cela d’exister sous la forme d’associations libres, dans les limites et sous la garantie du droit commun ; elles participent en toute liberté à l’enseignement, et on n’a pas songé à les proscrire pour leur caractère religieux ou pour leur habit. Les vrais libéraux italiens ne s’engageraient pas dans cette voie.

Au moment présent, les difficultés réelles pour l’Italie ne viennent ni du pape ni des agitations cléricales : elles sont d’un ordre tout politique, elles viennent de l’incohérence parlementaire, de la décomposition et de l’impuissance des partis, de l’affaiblissement de tous les ressorts de la vie publique, et il en est un peu au delà des Alpes comme en France : tout est assez obscur et laborieux. Les chambres qui viennent de reprendre leurs travaux à Rome ne se réunissent pas visiblement dans les conditions les plus favorables, puisque la session a eu pour prélude un nouveau changement de ministère qui ne sera probablement pas le dernier. Le règne de la gauche dure depuis quelques années déjà en Italie, il avait commencé bien avant l’avènement du roi Humbert. Il n’a pas sans doute créé ce qu’on appelle une situation révolutionnaire, il n’a ni permis ni encouragé les agitations périlleuses ; il a gardé tous les caractères d’une victoire légale d’un parti régulier. Ce qu’il y a de plus clair, c’est qu’il a été jusqu’ici en définitive parfaitement stérile. Il n’a réalisé aucune réforme bien sérieuse, il n’a pu arriver à résoudre ce problème toujours fuyant de l’équilibre financier ; il ne s’est manifesté que par une série de crises ministérielles se succédant de semestre en semestre, nées de la division indéfinie des partis, de la confusion des opinions et des rivalités personnelles, du conflit acharné des ambitions intestines. La gauche a par le fait une majorité considérable dans le parlement, au moins dans la chambre des députés, elle a toujours le pouvoir ; elle n’a su ni rester une majorité réelle, ni se servir du pouvoir, ni montrer assez d’esprit politique pour consolider la prépondérance qu’elle avait conquise, presque sans s’en douter, dans les élections. Elle a vaincu la droite, qui n’est autre chose que le libéralisme modéré par le scrutin populaire, elle ne l’a pas remplacée au gouvernement. Elle s’est épuisée en combinaisons de toute sorte. Deux ou trois fois déjà la présidence du conseil est passée de M. Depretis à M. Cairoli ou de M. Cairoli à M. Depretis, sans compter les modifications partielles des cabinets successifs. Aujourd’hui, par suite de la dernière crise, M. Depretis et M. Cairoli ont fini par se rapprocher ; ils entrent ensemble dans le même cabinet, et ils ont tout l’air de deux impuissances qui s’unissent après s’être fait la guerre.

D’où est née réellement cette nouvelle crise italienne qui n’a pas même attendu pour éclater l’ouverture du parlement ? Elle est née comme