Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 36.djvu/718

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On peut dire qu’il n’en est rien, ce n’en est pas moins évident. Tout ce qui est fait pour agiter et troubler vient de quelque fraction de cette coalition assez confuse qui s’appelle la majorité. La question de l’amnistie est sans doute à peu près abandonnée aujourd’hui ; elle n’ira peut-être pas jusqu’au parlement, et si elle fait une apparition à la chambre, elle n’aura selon toute apparence qu’un médiocre succès, surtout après le rapport si parfaitement net et décisif que M. le garde des sceaux vient de publier ; mais enfin, si la question a été un instant embarrassante, ce ne sont pas seulement les radicaux qui l’ont soulevée, ce sont encore d’autres républicains qui ont joué avec ce feu, à tel point que M. le président de la chambre lui-même a été représenté comme favorable à l’amnistie plénière, qu’on l’a cru ainsi et que cela a été expliqué ou atténué plutôt que contesté. Si le retour des amnistiés a été accompagné parfois de circonstances qui ont ressemblé à une audacieuse réhabilitation de la commune, qui ont semé l’inquiétude jusqu’au fond des provinces, est-ce que des républicains ne s’y sont pas prêtés ? Si, à l’heure qu’il est, il y a dans le pays un certain trouble des consciences, une émotion religieuse, à qui la faute ? C’est évidemment pour faire de la politique républicaine selon la mode du jour que M. le ministre de l’instruction publique s’est cru obligé de présenter une loi qui n’est qu’une rétractation de liberté, au risque de compromettre le gouvernement, d’aliéner des croyances sincères et de paraître donner le signal de l’exclusion systématique de malheureux religieux adonnés à l’enseignement. C’est bien sûr pour affermir la république qu’on l’engage dans une guerre de secte, qu’on suscite autour d’elle toutes les passions religieuses ! Est-ce que ce ne sont pas des républicains prétendant appartenir à la majorité qui, par leurs propositions, tiennent la menace suspendue sur la magistrature et réclament absolument des réformes radicales dont l’effet infaillible serait de jeter un trouble profond dans l’ordre judiciaire, même dans l’ordre financier par les indemnités que nécessiteraient les suppressions d’offices ? C’est là sans doute une autre manière de créer des amis et de rendre la vie facile à la république ! Est-ce que ce ne sont point aussi des républicains qui, sans s’inquiéter des lois, en face des pouvoirs publics, transforment chaque jour le conseil municipal de Paris en parlement, font des rapports pour s’emparer des églises, pour réclamer la suppression du budget des cultes, ou au besoin votent des ordres du jour contre M. le préfet de police, qui, à la vérité, paraît homme à se défendre ? Est-ce que ce n’est point en un mot des républicains que viennent incessamment toutes ces questions grosses de conflits et d orages ?

C’est bien possible, dira-t-on ; mais la république a ses agitations inévitables, et d’ailleurs tout ce qui fait du bruit ne fait pas loi, le gouvernement est toujours là pour contenir les effervescences dangereuses. Oui sans doute, le gouvernement, tel qu’il est représenté par ses chefs