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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 novembre 1879.

Le parlement de France est donc rentré définitivement à Paris ; il est rentré dans ses vieux palais épargnés par l’incendie, après neuf années d’absence qui comptent dans notre histoire. Il s’est réuni il y a trois jours au milieu des premiers frissons d’hiver, sans bruit, sans fracas, sans le cortège redouté des manifestations populaires, et M. le président de la chambre des députés a dit pour salut de bienvenue à l’assemblée dont il est chargé de diriger et d’activer les travaux : « Il faut aboutir ! » C’est là certes une parole pleine de sens pratique et de promesses, qui, bien comprise par tout le monde, même par M. le président de la chambre, pourrait devenir un vrai programme, pour le moins le mot d’ordre d’une ère de travail bienfaisant. Malheureusement les paroles les plus retentissantes ou les mieux trouvées ne suffisent pas ; elles ne changent rien, elles n’éclaircissent rien, et la première condition pour se mettre virilement à l’œuvre, pour « aboutir, » serait de commencer par voir clair dans nos affaires, de ne pas se méprendre sur le caractère général d’une situation qui n’est peut-être encore que difficile, qui peut devenir critique, et au milieu de laquelle la rentrée des chambres à Paris n’est plus qu’un incident sans importance.

Qu’on ne s’y trompe pas : tout ce qui arrive depuis quelque temps, tout ce qui se passe autour de nous a une signification des plus sérieuses et révèle des faiblesses, des incohérences de conseils, d’indéfinissables malaises, qui ne se prolongeraient, pas sans péril. C’est désormais une vérité de la politique comme de l’histoire, que pour tous les régimes, pour tous les gouvernemens, il y a une heure décisive où leur destinée est en jeu, où leur avenir peut dépendre d’une résolution opportune, de la direction qu’on prendra. M. Littré, avec la clairvoyance d’un esprit indépendant, rappelait l’autre jour cette inexorable loi aux complaisans intéressés, aux infatués futiles et aux aveugles naïfs qui ne veulent rien voir, qui se figurent qu’il suffit de voiler les difficultés pour les