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UNE
GRANDE QUESTION
DANS UN PETIT PAYS

Il est aujourd’hui en Europe peu de gouvernemens assez sages ou assez heureux pour n’avoir rien à démêler avec l’église. L’antique zizanie entre Agamemnon et Calchas, entre César et celui dont le royaume n’est pas de ce monde, s’est réveillée partout avec une surprenante vivacité, sans que l’on voie trop à qui profitent ces querelles acrimonieuses, où les calculs de la politique s’unissent aux animosités populaires. C’est le résultat mélancolique d’un long pontificat, à la fois mystique et militant, qui, remuant comme à plaisir des cendres refroidies, en a fait jaillir des étincelles meurtrières. M. Frère-Orban relisait l’autre jour à la chambre des représentans de Belgique ce bref du 1er février 1875, dans lequel le pape Pie IX déclarait une fois de plus « qu’on ne peut être catholique en adhérant à la liberté de conscience, à la liberté des cultes et à d’autres libertés décrétées à la fin du siècle dernier par les révolutionnaires et que l’église a constamment réprouvées. » Le Vatican, par la bouche infaillible de Pie IX, a dit anathème à la société moderne. Les gouvernemens se sont crus ou ont voulu se croire en danger ; quelques-uns ont pensé ne pouvoir se défendre qu’en prenant hardiment l’offensive. Pie IX n’est plus ; un souverain pontife qui paraît avoir pour principe que le Saint-Esprit n’est pas le mortel ennemi du bon sens s’applique avec un soin louable à réparer les imprudences de son prédécesseur ; il s’efforce de rétablir la paix, de conjurer les périls d’une situation profondément troublée. Mais il a bien de la peine à calmer les humeurs échauffées ; il lui est encore plus difficile de se faire écouter de ses amis que de ses ennemis. Le bon sens