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gouvernement anglais. Sa démission pouvait créer un nouvel embarras, le choix d’un ambassadeur à Londres étant fort délicat après tout ce qui s’était passé. L’empereur se tira d’affaire par un de ces coups de théâtre qu’il affectionnait et qui, en ce temps-là, lui réussissaient : au lieu d’un diplomate, il choisit un militaire. C’était risqué, et cependant c’était habile. Un militaire quelconque envoyé à Londres dans le moment, cela pouvait avoir l’air d’une provocation. Aussi n’était-ce pas un militaire quelconque : c’était le maréchal Pélissier, le vainqueur de Malakof, le compagnon d’armes des Anglais en Crimée. Lord Cowley, toujours dévoué à l’empereur, ne manqua-pas de faire ressortir ce qu’un tel choix avait de flatteur pour l’Angleterre. Le 22 mars, il écrivait à lord Malmesbury : « Je vous prie de dire à la reine qu’il est impossible de douter de la sincérité avec laquelle l’empereur, malgré des dissentimens momentanés, reste attaché à l’alliance anglaise. Cette nomination en est une preuve. Le regrettable effet produit par les adresses des colonels ne pouvait être suivi d’une réparation plus éclatante que celle qui résulte du choix de l’homme le plus éminent de l’armée française pour maintenir les bonnes relations entre les deux pays. »

A mesure cependant qu’on apaisait certains dissentimens, il en naissait d’autres. La question de Principautés danubiennes, après avoir sommeillé pendant quelques mois, venait de se réveiller. L’empereur, malgré les conférences d’Osborne, restait favorable à l’union de la Valachie et de la Moldavie sous un prince étranger. On se souvient d’ailleurs que les arrangemens conclus à Osborne étaient restés à l’état vague, M. Walewski ayant refusé de signer le memorandum préparé par lord Palmerston et lord Clarendon. Les puissances signataires du traité de Paris se trouvaient donc profondément divisées sur cette question. L’Angleterre, ainsi qu’elle l’avait depuis longtemps annoncé, restait d’accord avec l’Autriche et la Porte pour maintenir la séparation. La France tenait pour l’union, avec la Russie et la Sardaigne. C’est dans ces conditions que la conférence se réunit à Paris le 22 mai. Elle siégea près de trois mois et faillit plus d’une fois se séparer sans avoir achevé son œuvre. On aboutit enfin, non sans peine, à un compromis où l’on retrouvait quelque chose des deux systèmes opposés. On établissait entre la Valachie et la Moldavie une demi-union, ce qu’on appelait une union administrative, et l’on se figurait qu’on pourrait éviter l’union politique ! On donnait aux deux pays des institutions identiques, une cour centrale de justice, un nom commun, celui de Principautés-Unies, et l’on se faisait l’illusion de croire qu’on les empêcherait d’avoir un gouvernement commun ! Pour se laisser