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il connaissait la sympathie pour la France et surtout pour sa personne, il demeura convaincu qu’il y aurait plus d’inconvéniens que d’avantages à poursuivre la campagne diplomatique engagée par la dépêche Walewski, et immédiatement il changea toutes ses batteries. Notre ministre des affaires étrangères fut chargé de déclarer verbalement à lord Cowley que le cabinet des Tuileries, en signalant à l’Angleterre les complots ourdis sous la protection de ses lois contre la vie de l’empereur, n’avait jamais eu la pensée de lui dicter les mesures à prendre en cette circonstance. C’était au gouvernement anglais et à la nation anglaise qu’il appartenait de déterminer de quelle manière et dans quelle mesure il convenait de remédier à l’état de choses signalé. Cette déclaration fut immédiatement consignée dans une dépêche adressée le 8 mars par lord Cowley à lord Malmesbury. Elle fut renouvelée sous une autre forme et d’une manière plus énergique encore, dans une dépêche de M. Walewski à M. de Persigny, en date du 11 mars, où il était dit : « En donnant ces assurances au principal secrétaire d’état, vous voudrez bien ajouter que, les intentions de l’empereur ayant été méconnues, le gouvernement de sa majesté s’abstiendra de continuer une discussion qui, en se poursuivant, pourrait porter atteinte à la dignité et à la bonne intelligence des deux pays, et qu’il s’en rapporte purement et simplement à la loyauté du peuple anglais. »

Cette dépêche si flatteuse pour l’amour-propre de la Grande-Bretagne arrivait à point pour produire son effet le jour de la réouverture du parlement, le 12 mars. M. Disraeli ne manqua pas d’en tirer parti ; le soir même, il la fit connaître en substance à la chambre des communes, et il en déposa immédiatement le texte sur le bureau. Depuis trois jours d’ailleurs, le cabinet était pleinement rassuré par la dépêche de lord Cowley. L’orage était apaisé, au moins pour le moment ; la presse anglaise s’adoucit, l’opinion se calma ; le cri : « A bas les Français ! » cessa de retentir dans Hyde-Park. La crise avait été à la fois si courte et si violente, il s’était produit en moins de deux mois de tels soubresauts politiques, que ceux qui avaient été mêlés aux événemens pouvaient se demander s’ils n’avaient pas fait un rêve. M. de Persigny cependant ne voulut pas garder l’ambassade de Londres. Il trouva mauvais que, connaissant son dévoûment à l’empereur et en même temps son goût très sincère et très décidé pour l’alliance anglaise, on ne l’eût pas chargé d’effectuer la réconciliation entre les deux pays. Il trouva mauvais surtout que, s’étant entendu directement avec lord Cowley le 8 mars, on ne lui eût fait connaître qu’après coup l’arrangement intervenu, de telle sorte qu’il eut la mortification d’en être informé par le