prévint peut-être une rupture entre les deux pays. L’empereur et l’impératrice arrivèrent à Osborne le 6 août, sur le yacht la Reine-Hortense, et y passèrent quatre jours. Lord Palmerston et lord Clarendon s’y étaient rendus de leur côté, pour traiter avec MM. Walewski et de Persigny les questions pendantes, surtout celle des Principautés, sur laquelle de sérieux dissentimens s’étaient élevés. On se mit d’accord, non pas pour bien longtemps, sans doute, car le système de l’union des deux principautés, abandonné par la France dans les conférences d’Osborne, fut repris par elle à la suite de la double élection du prince Couza, et finit par triompher.
Lord Clarendon craignait que la visite ne fût pas agréable à la reine Victoria ; c’était une des raisons pour lesquelles il avait si froidement accueilli l’idée de M. de Persigny. Pauvres diplomates ! comme les plus habiles d’entre eux se méprennent parfois ! La reine ne fut pas seulement satisfaite de ses hôtes : elle en fut littéralement enthousiasmée. Son admiration, pour l’impératrice surtout, déborde dans une lettre qu’elle écrit, le 12 août, au roi Léopold : et il est impossible d’être plus aimable, plus charmant, moins gênant que ne l’ont été les deux majestés. Ce sont les hôtes les plus agréables qu’on puisse imaginer. Nous sommes tous sous le charme de l’impératrice, et je désire bien vivement que vous la connaissiez… Albert, qui d’ordinaire se plaît si peu avec les dames et les princesses, a été tout à fait conquis par elle, et il est devenu son grand partisan. »
Quelle que fût pourtant l’impression produite sur le prince Albert par la grâce irrésistible de la jeune souveraine, il était trop politique pour oublier les graves questions alors pendantes entre les deux pays, et dès le premier jour, l’empereur ayant fait une promenade avec lui après le déjeuner, il s’engagea entre les deux interlocuteurs une conversation de la plus haute portée. Le 10 août, le jour du départ, nouvel entretien, continuant et complétant le premier. Lord Palmerston avait compté, non sans raison, sur l’intervention personnelle du prince pour éclaircir certains points auxquels les ministres et les diplomates ne pouvaient toucher qu’avec circonspection. Dès le début de la première conversation, l’empereur aborda la question pendante entre les deux gouvernemens : celle des principautés. Il exprima le regret de n’avoir pas été appuyé par lord Clarendon lorsqu’il avait demandé l’union de la Valachie et de la Moldavie sous un prince étranger. Il se plaignit surtout très vivement des manœuvres employées par les agens de la Porte pour altérer la sincérité des élections du premier degré en Moldavie. La France avait demandé l’annulation de ces opérations électorales, et là Porte y avait tout d’abord consenti. C’est plus tard seulement qu’elle était revenue sur sa promesse, sous l’influence de