Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 36.djvu/512

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prendre une résolution relativement à la forme du gouvernement à donner à la France. C’était la première de toutes les questions. La chute de Napoléon était décidément inévitable. Les tentatives faites pour arrivera un traité de paix qui l’aurait maintenu sur le trône étaient restées sans résultat et cela par sa faute. Jamais d’ailleurs elles n’auraient pu conduire au but que s’était proposé la grande alliance ; jamais elles n’auraient servi à rétablir un état de paix fondé sur l’équilibre entre les puissances et devant durer autant qu’on peut l’attendre d’une création politique.

Toute paix qui aurait rejeté Napoléon dans les anciennes limites de la France ou qui lui aurait seulement enlevé les conquêtes antérieures à son avènement au pouvoir, n’aurait été qu’un armistice ridicule et eût été repoussée par lui-même. Il ne restait donc que trois solutions possibles : le rappel des Bourbons ; la régence jusqu’à la majorité du fils de Napoléon ; l’élévation d’un tiers au trône de France. Le bon droit aussi bien que la raison, l’intérêt particulier de la France aussi bien que l’intérêt général de l’Europe, tout parlait en faveur de la première solution. Aussi l’empereur d’Autriche n’eut-il pas un moment d’hésitation à cet égard.

Il n’en était pas de même de sa majesté l’empereur de Russie. Les révolutionnaires qui entouraient ce prince, et qui en ce temps-là exerçaient une influence si funeste et si décisive sur la direction de son esprit, avaient travaillé depuis longtemps dans un sens opposé aux prétentions légitimes de la maison de Bourbon ; ils ne cessaient de présenter le retour de la famille dépossédée comme une impossibilité absolue. Le tzar partageait cette conviction. Pour le fils de Napoléon, qui n’était encore qu’un faible enfant, son établissement sur le trône de France présentait des difficultés faciles à comprendre. L’homme qui avait le plus de chances si le troisième cas se réalisait, c’était le prince royal de Suède. Ses intrigues et celles de ses agens n’étaient pas restées sans résultat. Son existence passée et ses débuts dans la carrière devaient le faire accepter du parti révolutionnaire, et il est certain que Laharpe lui-même l’aurait élevé sur le trône, si cet ardent républicain n’avait préféré le retour à la forme de gouvernement qui répondait le mieux à ses idées.

Je laissai passer les premiers jours ; ils furent consacrés à prendre des dispositions purement militaires. Le zèle excessif des généraux prussiens avait besoin d’être modéré. On finit par s’arrêter au plan qui promettait le plus de succès en face de la résistance qu’il fallait s’attendre à rencontrer dans le talent de Napoléon forcé dans ses derniers retranchemens. On avait décidé que l’armée autrichienne et une grande partie de l’armée russe avec la garde prussienne formeraient un seul corps d’armée. Un autre