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ont été bien vite récompensés. Le secrétaire général pour les finances affirmait dernièrement qu’au 1er juillet de cette année ils auraient plus de 300 millions de moins à payer par an comme intérêts, et ils sont arrivés à ce résultat en quatorze ans. C’est vraiment prodigieux. Leur crédit est aujourd’hui à 4 pour 100 comme dans les grands états européens, ils empruntent à ce taux pour rembourser la dette qu’ils ont contractée à 6 et à 7 pour 100. En vingt autres années, s’ils le veulent, ils auront amorti à peu près le reste de cette dette et en employant seulement chaque année une somme égale à celle qu’ils viennent d’économiser. Quelle sera alors leur puissance ? Déjà avec, leur activité commerciale, leur génie industriel et les ressources de leur sol, ils sont redoutables, et on s’inquiète de la concurrence qu’ils font à l’Europe. Que sera-ce lorsqu’ils n’auront plus de dette et presque point d’impôts ? — Ah ! nos hommes d’état, nos financiers devraient bien s’inspirer de cet exemple et chercher à limiter dans la mesure où ils le peuvent. Quand on pense, au contraire, que chez nous, pour des raisons de politique étroite, on renonce à exécuter l’œuvre la plus simple et la plus facile du monde, celle de la conversion du 5 pour 100, qui en dehors d’un amortissement important nous aurait procuré une économie annuelle de 40 millions, on est vraiment stupéfait et on se demande de quel esprit d’aveuglement nous sommes frappés.

Le duc de Broglie, comme tous les hommes d’état éminens, était très préoccupé de cette nécessité de l’amortissement ; il aurait voulu qu’on l’organisât d’une façon sérieuse sans qu’on pût jamais le détourner de sa destination. Mais le moyen qu’il proposait d’une dotation spéciale affectée à chaque emprunt a déjà été essayé et n’a jamais réussi. Il faut quelque chose de plus aujourd’hui, il faut que la somme qui sera consacrée à l’amortissement ait un caractère obligatoire, comme l’intérêt de la dette elle-même ; quand les deux engagemens seront de même nature, on ne pourra pas plus manquer à l’un qu’à l’autre, à moins de faire banqueroute ; — c’est la garantie qu’on trouve avec le système des annuités. On s’engage à rembourser le capital dans un délai déterminé, et pour cela on affecte chaque année une certaine somme qui, grossie des intérêts de la partie de la dette déjà remboursée et que l’on continue de payer, produit des résultats étonnans avec un point de départ minime. Ce système est employé par toutes les grandes compagnies financières pour se libérer des emprunts qu’elles ont contractés. C’est celui auquel l’état se propose d’avoir recours lui-même pour exécuter les grands travaux d’utilité publique qu’il a en vue. Il est le seul efficace et le seul aussi qui satisfasse tous les intérêts en jeu. On a quelquefois reproché à ce système, tel