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des sceaux que nous n’avons jamais connu jacobin, a voulu défendre jusqu’à la dernière heure ? Pourquoi enfin a-t-il accepté cet article 7 d’une loi sur la liberté d’enseignement, qui est une violation manifeste de cette liberté, et qui porte le trouble dans les consciences ? Nous ne pouvons croire, par parenthèse, qu’il ait pris au sérieux, malgré ses déclarations, cet étrange argument de l’unité nationale menacée par l’enseignement des jésuites. Il a trop de bon sens pour ne pas voir que cette crainte, si elle est sincère, est imaginaire, et que c’est le remède qu’on propose qui menace bien autrement l’unité nationale et la paix intérieure. C’était bien le cas de rire des terreurs des conservateurs devant le fantôme trop souvent évoqué du péril social, quand on devait s’en servir avec moins de bonne foi pour effrayer les bonnes gens qui se souviennent encore des chansons de Béranger. Il n’y a qu’une manière d’expliquer la politique de M. Waddington et des politiques sensés qui s’y résignent, c’est qu’il garde le pouvoir pour ne pas le livrer à des ministres moins modérés, et qu’il a tout subi, parce qu’il fallait faire la part du feu. Le public, qui n’est pas dans le secret des négociations parlementaires, serait bien étonné d’apprendre que le ministère actuel a concédé l’article 7, en échange du procès des ministres du 16 mai, que réclamait la majorité de la chambre des députés. Et voilà à quoi tient la liberté religieuse dans notre malheureux pays. A un bien moindre prix, gouvernement eût pu épargner à M. de Broglie et à ses complices (style de réquisitoire) une accusation qu’il leur eût été si facile de réduire à néant, même devant un sénat républicain. Il lui suffisait d’avoir le courage d’en dire nettement son avis.


III

Rien ne ressemble moins au gouvernement parlementaire que cette façon de gouverner. Ce fut un grand spectacle, dans notre pays, que ce beau et noble régime, en son plein exercice, sous lequel nous admirions tous les genres d’éloquence, la force et la flamme d’un de Serre, la souplesse d’un Villèle, la grâce d’un Martignac, l’esprit d’un Benjamin Constant, l’éclat d’un Chateaubriand, l’autorité d’un Royer-Collard, la fierté d’un Casimir Perier, la dignité d’un de Broglie, la gravité d’un Guizot, la verve d’un Dupin, la passion d’un Montalembert, la poésie d’un Lamartine, la puissance d’un Berryer, et cette intelligence d’un Thiers qui éclairait encore naguère de sa vive lumière nos débats de l’assemblée nationale. Alors les ministres gouvernaient réellement ; ils dirigeaient leur parti, au lieu de le suivre ; ils résistaient à la volonté royale, moins puissante et moins active que celle de nos comités actuels