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mesure extrême, ni vis-à-vis du président, ni surtout vis-à-vis du sénat, dont elle a méconnu les droits en toute occasion. Le 16 mai, fait sans nécessité et sans à-propos par des conservateurs qui n’avaient pas de vives sympathies républicaines, avec des alliés compromettans, était une entreprise parfaitement légale, ayant pour but, la loyauté du président de la république ne permet pas d’en douter, de prévenir un danger que le pays ne voyait point encore. C’est ce qui la fit échouer. Quand il sera possible de la juger de sang-froid, on reconnaîtra que ce fut une calomnie de la signaler au pays comme une conspiration monarchique ; que ce fut une odieuse manœuvre d’en dénoncer les auteurs aux électeurs comme des fauteurs de guerre civile et de guerre étrangère, et d’assimiler enfin cette campagne toute constitutionnelle de conservateurs ; impatiens à l’abominable insurrection de la commune, à laquelle seule les partis ardens accordaient des circonstances atténuantes. La lettre du maréchal à M. Jules Simon a été moins l’acte réfléchi d’un politique que le geste un peu brusque d’un soldat qui croise la baïonnette contre l’ennemi qu’il a pour consigne de ne pas laisser passer. Quoi qu’il en soit, le sénat, même avant que les récentes élections en eussent déplacé la majorité, avait pris au sérieux la constitution, sauf quelques intransigeans d’extrême droite, ultra-légitimistes ou bonapartistes, dont la défection avait fait passer toute la liste de gauche dans l’élection des sénateurs à vie par l’assemblée nationale. On ne peut lui reprocher ni d’avoir créé des difficultés au gouvernement de la république, ni d’avoir provoqué une seule crise ministérielle, ni d’avoir pris, sur quelque question que ce soit, une initiative quelconque, embarrassante pour les ministères républicains, comme l’a fait trop souvent la chambre des députés. La vérité est que la patience du sénat a été singulièrement mise à l’épreuve, et qu’au train dont allaient les choses, le désaccord entre la chambre des députés et les autres pouvoirs de l’état ne pouvait manquer d’aboutir à un conflit et à une dissolution dont le maréchal eût dû laisser l’initiative et la responsabilité à un ministère républicain.

Le mot de dissolution réveille des souvenirs qui ont eu sur la politique du parti républicain une influence fatale. Il faut pourtant en parler. Si c’est toujours chose grave et parfois dangereuse d’user de ce droit, il n’en faut pas moins l’inscrire dans toute constitution qui reconnaît trois pouvoirs, et particulièrement dans une constitution républicaine. Ce qui en fait la vertu, c’est bien moins l’usage qu’on en fait que l’effet préventif qu’il produit sur la seconde chambre. Rien n’est plus facile que l’entente des pouvoirs publics, tant que le bon sens et l’esprit politique dominent la passion ; mais