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UN
NOUVEAU COMPLOT
CONTRE L'EMPIRE GERMANIQUE

Depuis que l’Allemagne est en possession d’une hégémonie que personne ne songe à lui contester, elle est travaillée par une sorte de fièvre intermittente, dont les crises reviennent à des époques fixes et à des intervalles malheureusement trop courts. Après avoir savouré quelque temps les douceurs que procurent à un peuple le sentiment de sa grandeur et la confiance qu’il a dans sa force, l’Allemagne se figure tout à coup ou l’on réussit à lui persuader qu’un grand danger la menace, que ses voisins de l’est ou de l’ouest en veulent à son bonheur ou à son honneur, qu’ils trament quelque noir complot contre sa sûreté. Une de ces crises regrettables et singulières vient de se produire au moment où l’on y pensait le moins. L’Allemagne s’est réveillée un matin, soucieuse, inquiète, en proie aux plus sombres appréhensions. Heureusement le prince de Bismarck était là ; il a couru à Vienne, il en a rapporté, assure-t-on, un traité d’alliance en bonne forme. Grâce à sa vigilance, qui ne s’endort jamais, le péril a été conjuré, une fois de plus l’Allemagne a été sauvée ; mais elle avait eu une si vive alerte qu’elle a de la peine à rasseoir ses esprits. Le mal est que ses inquiétudes sont contagieuses ; quand elle n’a pas l’esprit et l’âme en repos, il n’est permis à personne d’être tranquille. On disait jadis, il y a bien longtemps de cela, qu’il suffisait à l’empereur Nicolas d’éternuer pour que les poules d’Espagne allassent se coucher une heure plus tôt que d’habitude. Aujourd’hui c’est de l’Allemagne que dépend l’universelle. tranquillité, et lorsqu’elle s’avise d’avoir la fièvre, l’Europe tout entière