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ces discussions ou ces communications mêmes que réside l’intérêt de ces réunions internationales. Certes à entendre des maîtres de tous les pays exposer avec clarté et concision les découvertes faites par eux, il y a, pour les plus jeunes comme pour les plus âgés, un véritable profit, mais enfin on peut dans les livres, dans les recueils périodiques, dans les comptes rendus des sociétés savantes, retrouver les vérités qu’ils professent : on peut même les étudier avec plus de loisir. Non, ce n’est pas là le véritable motif des conférences scientifiques internationales. La vraie raison est que l’on apprend ainsi à se connaître, et, par conséquent, quoi qu’en disent les sceptiques, à s’apprécier. Ce n’est pas dans les livres qu’on peut juger les hommes. Tel savant, dont on n’a entendu parler que par ouï-dire, et dont on a lu trop dédaigneusement peut-être les écrits, paraîtra, si on vient à causer avec lui, un tout autre homme. On sera disposé à le juger avec plus d’indulgence, et cette indulgence ne sera que justice. D’ailleurs rien n’est plus profitable que de pareils entretiens. Quelques instans de conversation avec un homme supérieur font plus pour le développement de l’esprit d’un jeune homme que la lecture d’un gros volume de ses œuvres. Dans une réunion scientifique comme celle d’Amsterdam, il y a une sorte de courant d’idées qui circule, et, sans savoir comment la chose se produit, on gagne à se trouver mêlé à ces idées. De même qu’à Paris l’esprit est contagieux, de sorte que sur le pavé de Paris tout le monde devient spirituel (les étrangers disaient cela au XVIIIe siècle), de même dans un milieu scientifique comme un congrès, on prend des idées de science, et on comprend mieux l’inanité des coteries, des théories étroites et mesquines.

C’est qu’en effet la science aujourd’hui ne se fait pas comme il y a deux siècles : autrefois un grand savant mettait plusieurs années à produire un livre. Il travaillait silencieusement, obscurément, caché dans sa petite ville, et le résultat de ses labeurs n’était connu que d’un petit nombre d’initiés. Quelques élèves, quelques amis discrets, pendant longtemps, dix ans, vingt ans peut-être, jusqu’au moment de la publication du livre, composaient tout son public. Aujourd’hui les choses ont changé. Ces travailleurs solitaires n’existent plus. On ne voit plus apparaître ces livres imprévus révélant tout d’un coup une série complète de faits nouveaux et inconnus. Dès qu’un chercheur a trouvé un fait intéressant, il s’empresse de le publier, de le communiquer par la voie des journaux, ou des sociétés savantes, ou des leçons universitaires, au grand public scientifique. Le travail est devenu moins personnel, moins isolé. Ajoutons que le nombre des travailleurs est devenu bien plus considérable, de sorte que, si l’on compte moins de grands savans (cela même est encore douteux) qu’aux siècles précédons, on compte certes un plus grand nombre de découvertes. Mais la science s’est diffusée pour ainsi dire, et les hommes d’aujourd’hui qui découvrent quelque