rôle a été celui d’une opposition souvent habile et éloquente, mais longtemps impuissante, Tilden seul, candidat à la dernière élection ; présidentielle, doit à son insuccès contesté une certaine renommée, mais il aurait contre lui les greenbackers. Sur la question financière, Tilden s’est ouvertement déclaré partisan de la reprise des paiemens en espèces, et on le soupçonne d’être sympathique au maintien des banques nationales. Dans la convention démocrate, il rencontrerait une vive opposition, et son nom ne saurait rallier toutes les forces du parti.
En dehors de lui, trois autres candidats sont possibles : Bavard, Thurman et Hendricks. Le premier serait un excellent président. Nature droite, loyale, courageuse, Bayard est entouré de nombreuses sympathies. Sénateur du Delaware, c’est-à-dire homme du sud, il serait assuré du vote unanime des états du sud qui constitue aujourd’hui la principale force du parti démocrate. Cette considération puissante déterminera peut-être la convention à l’opposer au général Grant. La seule objection que l’on puisse faire à sa nomination est que l’état qu’il représente ne dispose, vu le chiffre restreint de sa population et son exiguïté, que de trois votes présidentiels, qu’en outre le Delaware est acquis au parti démocrate quel que soit le candidat adopté, et qu’il y aurait avantage à choisir le représentant de l’un des grands états de l’ouest, tel que l’Ohio ou l’Illinois, qui, sur les trois cent soixante-neuf votes présidentiels en comptent respectivement vingt-deux et vingt et un.
On estime que le Solid South, le sud compact, votera unanimement pour le candidat démocrate. L’ouest est douteux. Si l’on parvenait à s’assurer soit l’Ohio, soit l’Illinois, le succès serait certain.
Thurman réunit ces conditions. Sénateur de l’Ohio, il l’entraînerait avec lui et très probablement aussi l’Illinois, mais dans l’est il trouverait une vive opposition, et l’état de New-York, qui dispose de trente-cinq voix présidentielles, accueillerait sa nomination avec moins de faveur que celle de Tilden ou de Bayard.
Quant à Hendricks, politicien consommé, il ne rallierait les suffrages de la convention que dans le cas où la lutte entre ses trois rivaux menacerait d’aboutir à une scission. C’est à un compromis de cette nature qu’Abraham Lincoln dut, en 1860, d’être désigné au troisième tour de scrutin candidat républicain, et, en raison même de son peu de notoriété, l’emporta sur Seward, Chase et Bates, chefs du parti.
Les démocrates ajourneront vraisemblablement une décision qui n’a rien d’urgent. La désignation de Grant comme candidat probable des républicains est un indice de la position critique de son parti et impose aux démocrates une circonspection dont ils ne se