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deux points il subit une défaite sensible. Dans le Massachusetts, Butler fut battu par 15,000 voix ; au dernier moment, Abbott et ses électeurs votèrent pour le candidat républicain, ainsi qu’on le prévoyait. L’état de New-York donna la majorité au parti républicain. Le sud tout entier vota pour les démocrates. Une partie des états de l’ouest se déclara pour eux, et ils obtinrent dans le nord des succès partiels. Au sénat, ils firent nommer 42 de leurs candidats contre 33 républicains. Dans la chambre des représentans, ils emportèrent 124 sièges contre 91 donnés à leurs adversaires, désormais en minorité dans les deux assemblées et conséquemment dans le congrès. Mais ce qui frappait le plus l’opinion publique, c’était le réveil menaçant du sud, donnant partout d’écrasantes majorités au parti démocrate et ralliant dans un puissant effort le vote nègre et le vote blanc. Jusqu’ici l’un contre-balançait l’antre ; appuyés sur les noirs, les républicains avaient réussi à obtenir dans le sud soit une faible majorité, soit une imposante minorité. Il n’en était plus de même ; les anciens maîtres et les anciens esclaves faisaient cause commune et assuraient le succès de l’opposition. Les chefs du parti républicain ne s’y trompèrent pas. Les élections de 1878 présageaient leur défaite dans l’élection présidentielle de 1880.

Pour conjurer le péril qui les menace, ramener à eux l’opinion publique qui les abandonne, ils ont fort à faire, et le temps presse ; mais ils ne sont pas hommes à désespérer d’une partie, même compromise, et, dès le lendemain des élections générales, ils se mettaient à l’œuvre pour rallier leurs partisans ébranlés. Si, dans la campagne présidentielle, la lutte n’est ni moins vive ni moins passionnée que pour les nominations au congrès, le terrain n’est plus le même, et les influences locales jouent un moindre rôle. Le prestige personnel du candidat, les services rendus par lui agissent sur l’esprit d’un certain nombre d’électeurs, indécis entre les deux partis, indifférens aux luttes politiques et qui votent pour un homme célèbre par cela seul qu’il est célèbre, sans se préoccuper autrement des idées qu’il représente ou des tendances de ceux qui le mettent en avant. Les républicains l’ont compris, et, sans hésiter, sans même prendre le temps de se concerter, ils ont prononcé le nom du général Grant. Dans tous les états inféodés aux républicains, le mouvement a été spontané. Grant seul pouvait sauver le parti menacé, rallier les hésitans et les indifférens, lutter avec succès contre le candidat démocrate.

Quel serait ce dernier ? On l’ignorait, on l’ignore encore. Le parti démocrate ne compte pas dans ses rangs de noms illustres. Ses chefs sont peu connus en Europe, et aux États-Unis même leur notoriété est limitée. Exclus du pouvoir depuis dix-huit ans, leur