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financières. La protection dont le cabinet anglais couvrit les entreprises de la politique italienne, les dépêches de lord John Russell au sujet de l’insurrection de Pologne, le refroidissement dans les relations avec la France et l’abandon du Danemarck furent tour à tour l’objet des critiques du chef de l’opposition ; mais, quoique la majorité ministérielle allât en s’affaiblissant et fût tombée sur quelques questions au-dessous de vingt voix, aucun effort ne fut tenté par le parti tory pour ressaisir le pouvoir à l’aide d’une de ces coalitions qu’il avait reprochées à ses adversaires. Son attitude changea immédiatement après la mort de lord Palmerston. Non-seulement le caractère et les opinions de lord Russell, qui succéda à lord Palmerston comme premier lord de la trésorerie, n’offraient pas les mêmes garanties aux conservateurs, mais la direction du parti ministériel au sein de la chambre des communes passait aux mains de M. Gladstone. Or, à mesure que M. Disraeli avait infusé au parti conservateur un esprit plus libéral et des idées moins exclusives, on avait vu M. Gladstone se rapprocher davantage des radicaux et chercher, par des concessions nouvelles, à assurer leur appui au cabinet. On en eut la preuve lorsque M. Gladstone, entreprenant à son tour la tâche dans laquelle le cabinet de lord Palmerston avait plusieurs fois échoué, présenta un bill de réforme électorale. Cette mesure, au jugement de son auteur, devait avoir pour résultat de conférer les droits électoraux à quatre cent mille nouveaux électeurs, dont deux cent mille appartenant aux classes moyennes et seulement deux cent mille aux classes inférieures ; mais, bien que M. Gladstone eût emprunté au bill de M. Disraeli la clause qui attachait l’électorat à la possession d’un livret de caisse d’épargne d’une certaine importance, le bill n’imposait aux nouveaux électeurs aucune garantie de moralité ou de capacité ; il procédait uniquement par un abaissement notable du cens dont il était impossible de calculer les conséquences, et il tendait manifestement à uniformiser les conditions de l’électorat. Il détruisait donc l’équilibre que la législation existante avait laissé subsister entre les divers intérêts. C’est à ce titre que le parti conservateur le combattit. Mais les attaques les plus vives vinrent des débris de l’ancien parti whig. M. Gladstone ne changeait rien à la délimitation des bourgs : il en résultait que l’abaissement du cens avait pour conséquence de rendre les classes ouvrières absolument maîtresses des élections, non-seulement dans les villes manufacturières, mais même dans certains comtés, et cet inconvénient était d’autant plus grave que le bill dépouillait du droit d’élire un assez grand nombre de localités secondaires pour transférer leurs sièges aux grandes villes. La bourgeoisie anglaise, dont le bill menaçait ainsi les dernières forteresses, prit l’alarme, et les whigs se firent les organes de ses