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refusa cette autorisation, dans la crainte que l’agitation inséparable d’une élection générale ne compromît le succès de l’exposition organisée par le prince Albert. Les chefs des diverses fractions de la majorité, successivement appelés au palais, furent inutilement invités à former un ministère ou à s’entendre. Après une série d’essais infructueux, la reine dut prier lord John Russell et ses collègues de reprendre leurs portefeuilles. Lord John Russell profita de la dictature temporaire qu’il devait à l’exposition pour imposer au parlement le vote d’une loi contre l’usurpation de titres ecclésiastiques. M. Disraeli fit ressortir avec la plus mordante ironie toute la puérilité d’une mesure à laquelle le gouvernement n’osait attacher une sanction pénale. Personne ne pouvait songer à retirer aux catholiques le libre exercice de leur culte. De quelle importance pouvait-il être que le dignitaire ecclésiastique qui leur administrait certains sacremens, ajoutât à son titre d’évêque le nom d’une ville d’Asie ou d’Afrique plutôt que le nom de la ville anglaise dans laquelle il exerçait les fonctions épiscopales ? Le bill de lord John Russell est demeuré à l’état de lettre morte ; et tel a été, depuis 1851, le progrès des idées que Léon XIII a pu, cette année, rétablir la hiérarchie catholique en Écosse, sans qu’aucune émotion se soit produite et sans que le cabinet de lord Beaconsfield ait paru y prendre garde.

La faiblesse du ministère était si manifeste, et les dissentimens entre lord John Russell et lord Palmerston étaient si notoires qu’on s’accordait à regarder une nouvelle crise ministérielle comme inévitable. Lord Derby n’aurait pu refuser une seconde fois le pouvoir sans décourager et peut-être sans désorganiser le parti conservateur. M. Disraeli était trop prévoyant pour ne pas préparer au futur cabinet conservateur un terrain favorable. Dans les derniers jours de la session, il prit occasion d’un amendement de M. Joseph Hume au bill qui prorogeait l’income tax pendant trois nouvelles années, pour passer en revue le système financier de l’Angleterre, et il est à remarquer qu’il qualifia, à diverses reprises le droit d’entrée sur les céréales étrangères d’impôt supprimé et de législation surannée. L’amendement qui réduisait à une année la prolongation de l’income tax fut voté malgré la résistance du ministère, dont les jours parurent comptés. Quelques semaines après la séparation du parlement, le 17 septembre 1851, M. Disraeli prit la parole dans la réunion annuelle de la société d’agriculture du comté de Buckingham, et là, en face des plus influens de ses électeurs, il s’expliqua nettement : « Ma conscience, dit-il, me rend le témoignage que, quand le système protecteur a été attaqué, j’ai fait de mon mieux pour le défendre ; mais autre chose est de défendre une législation qui existe ou de ramener une législation qui a été abrogée.