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le courant de 1871, M. L’architecte Vespignani, en abattant les deux tours de l’ancienne porte Salaria, mit à découvert l’intéressant tombeau de Quintus Sulpicius Maximus, ce jeune improvisateur grec dont Rome, au temps de Domitien, fut charmée. — On avait ainsi retrouvé en 1838, encastré dans une tour attenante à l’ancienne porte Labicane, tout près de la porte Majeure actuelle, le tombeau bien connu de Marcus Vergilius Eurysacès, ce qu’on appelle vulgairement le Tombeau du boulanger. — Il y a quelques mois, un vieux mur qu’on détruisait sur l’Esquilin s’est trouvé contenir en nombreux fragmens jusqu’à sept statues, que sans nul doute on recomposera. — De trop bonne heure aussi et pendant trop longtemps, le Colisée et le forum sont devenus de véritables carrières, où l’on est venu de toutes parts chercher des colonnes et des pierres pour les employer ailleurs. Déjà en 1140, le célèbre abbé Suger, reconstruisant la basilique de Saint-Denys, songeait à faire enlever les magnifiques colonnes de granit des thermes de Dioclétien, tant la renommée de ce genre d’exploitation s’était vite répandue. En Italie même, la cathédrale de Pise, qui est du XIe siècle, et celle de Lucques, consacrée par Alexandre II, ont été probablement édifiées avec des dépouilles romaines. Cela est sûr pour la célèbre basilique érigée par le moine Didier au mont Cassin. Les Romains n’étaient plus capables d’aller chercher à quelque distance la pierre ou la pouzzolane. Ils creusaient simplement là où leurs ancêtres avaient bâti; l’édifice antique, d’abord exploité sans trop de peine à la surface du sol, était ensuite dépouillé par-dessous. Les latomies qu’on a trouvées pendant ces derniers temps sous l’Esquilin, et qui ont obligé, pour les quartiers nouveaux, par exemple pour le ministère des finances, voisin de la gare, à des fondations considérables, sont en partie l’œuvre de ces générations ignorantes : on a constaté qu’elles traversent des substructions certainement antiques; il y en a parmi celles des thermes de Dioclétien.

Encore peut-on retrouver, — nous en avons cité des exemples, — quelques-uns des morceaux ainsi enveloppés ou déplacés. Mais le troisième danger, celui auquel ont succombé pendant le moyen âge un trop grand nombre de monumens antiques, a été la déplorable coutume, beaucoup trop longtemps pratiquée, de fabriquer des boulets et de la chaux avec le marbre et la pierre anciennement mis en œuvre. Un grand édifice comme les thermes de Dioclétien ou le Colisée était concédé aux entrepreneurs qui en avaient fait la demande, et ils pouvaient en exploiter désormais tous les matériaux. La carrière ainsi livrée est désignée sur plusieurs anciennes cartes sous le nom de petraia, ou bien on voit à côté l’indication d’un four à chaux, fornace. Des générations de marbriers paraissent avoir