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Ramery, veuve du sieur Beaudoin Sturtellaghem, en son vivant marchand », qui lègue une rente et une maison dans laquelle « trois filles dévotes et craignant Dieu seront tenues de recevoir les pauvres honnêtes filles n’ayant moyen de payer écolage jusqu’au nombre de cent cinquante. »

Je ne voudrais pas exagérer la valeur de ces citations ni l’importance de ces menus faits. On pourrait sans peine les multiplier, mais il faut bien avouer que de ces fondations le grand nombre sont plutôt fondations charitables que fondations scolaires. Il n’est pas douteux pourtant qu’on y apprît pour le moins la lecture, l’écriture, un peu de calcul peut-être, et dans les grandes villes, un métier. D’autre part, à défaut de la sollicitude des pouvoirs publics, les habitans même des campagnes connaissent déjà les bienfaits de l’instruction et déjà savent fort bien mener eux seuls leurs petites affaires. On voit dans la Correspondance des contrôleurs généraux que l’un des premiers soins d’une humble commune déchargée de ses dettes et libre désormais de sa petite fortune est de se procurer un maître d’école ou de traiter avec quelqu’une des grandes congrégations enseignantes, oratoriens et jésuites. Vers le milieu du XVIIIe siècle, on s’adressera de préférence aux frères ignorantins. À la campagne, voici comment se passent les choses. Les notables habitans de l’endroit se réunissent, annoncent à la ronde ou font annoncer par leur curé l’intention qu’ils ont ou de nommer ou de remplacer un maître d’école et parmi les candidats qui se présentent, en choisissent un à l’élection, sauf d’ailleurs approbation de l’intendant. Car on votait beaucoup, sous l’ancien régime, dans la commune rurale; on y votait même trop. Je veux dire qu’il n’était pas toujours sans danger que « la sage-femme » fût élue par les matrones de la localité. M. Babeau nous apprend qu’en 1788 l’usage subsistait dans cent cinquante paroisses de la subdélégation sur cent soixante-dix. Il subsistait aussi, dans les villages de Lorraine, d’après le livre de M. l’abbé Mathieu. Dans les dernières années du XVIIIe siècle, on essaya de porter remède à l’insuffisance notoire de ces sages-femmes improvisées en instituant des cours gratuits d’accouchemens. On a constaté l’existence de ces cours à Moulins, Alençon, Rouen, Albi, Nancy. En 1784, pour le diocèse d’Albi, quarante-trois femmes y assistaient régulièrement[1].

Quant à la nomination du maître d’école, elle se faisait par les notables, « à l’issue de la messe paroissiale. » Elle était quelquefois authentiquée par un acte en forme, véritable contrat qui stipulait expressément les obligations du maître d’école et les émolumens consentis par la communauté. Quelques-uns de ces actes ont été publiés, l’un par M. de Fontaine de Resbecq, il est daté de 1777, pour le département du Nord; l’autre, pour le département de l’Aube, par M. Babeau,

  1. Rossignol, les Petits États d’Albigeois.