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grâce à espérer. Oui, oui, je suis accusé à cause de mes péchés. (Il se jette à genoux.)

LA VOIX. (Onze heures sonnent.)

— Fauste! jadicatus es!

FAUST.

— Maintenant, Faust, tu es jugé. La sentence est prononcée. La verge a été rompue sur toi. Je vois déjà l’enfer s’ouvrir devant moi. O longue éternité, que vais-je devenir!..

LA VOIX, (Minuit sonne.)

Fauste! Fauste! in æternum damnatus es !

FAUST.

— Maintenant, Faust, tu es damné. J’entends l’annonce de la mort et du châtiment... Il vient! Je l’entends! C’en est fait de moi! Malheur à ma pauvre âme; elle est perdue pour l’éternité!


Nous avons laissé de côté la partie comique de la pièce, représentée par Wagner, le fidèle famulus du docteur, par Hans Wurst, son valet, et par quelques diables de second ordre qui poursuivent Hans Wurst de leurs agaceries. Les plaisanteries de ces personnages, assaisonnées au plus gros sel, ne sauraient se passer des jeux de scène traditionnels qui les accompagnent à la représentation. Privées du secours des acteurs, leur intérêt n’est pas assez vif pour faire oublier qu’elles ralentissent, en se prolongeant démesurément, l’action du drame étrange dans lequel elles sont enchâssées. Quant au rôle de Marguerite, dont on s’étonne peut-être de n’avoir trouvé aucune mention, il a été entièrement créé par Gœthe; il n’existe pas, même en germe, dans la vieille pièce.

Celle-ci n’a pas manqué de commentateurs pour en expliquer le sens supérieur et caché. On comprend qu’il soit tentant de soumettre à une analyse raffinée et subtile une œuvre où l’on croit trouver le résumé de la pensée d’un grand peuple à une époque critique de la vie de ce peuple, La question est de savoir si en raffinant et en subtilisant on ne va pas plus loin que n’avaient été les instincts de la foule, lorsqu’ils enfantaient l’histoire de l’homme puni pour avoir voulu conquérir par des moyens criminels les seuls biens réellement enviables de la terre : la toute science et la toute beauté. Pour notre part, nous ne pouvons lire certaines interprétations trop ingénieuses sans nous rappeler le plaisir malin que prenait Gœthe à encourager les critiques de son temps, lorsqu’ils peinaient à découvrir dans les phrases les plus simples de son Faust des sens symboliques auxquels lui-même n’avait jamais songé. Que leur exemple nous profite, Ne cherchons pas un plan