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réelle ne soit que les 0,4 de la hauteur calculée dans l’hypothèse d’une rigidité absolue ; il en conclut que la terre doit avoir une rigidité moyenne supérieure à celle du verre, et peut-être à celle de l’acier. Quant à l’influence que l’élasticité du globe peut exercer sur les phénomènes de la précession et de la nutation, les calculs fondés sur l’hypothèse de la rigidité absolue sont d’accord avec l’observation, et ce résultat semblerait confirmer la conclusion tirée de la considération des marées. Il est vrai que, si la déformation élastique tend à diminuer directement la précession, il existe un effet indirect de cette déformation qui tend à l’augmenter, de sorte que peut-être ces deux effets contraires se balancent à très peu près.

Tout bien considéré, il ne paraît pas d’ailleurs impossible de concilier ces résultats avec l’existence d’une chaleur excessive dans les couches centrales du globe. Il ne faut pas oublier, en effet, que ces couches sont soumises à une pression d’autant plus forte qu’elles sont plus rapprochées du centre. En faisant le calcul avec la loi des densités proposées par M. Roche, on trouve que la pression au centre dépasse 3 millions de kilogrammes par centimètre carré (3 millions d’atmosphères). Nous n’avons aucune idée de ce que peut être l’état physique des corps soumis à de telles pressions. Les expériences sur la résistance des matériaux nous ont appris que de petits cubes de granit s’écrasent sous un poids de 700 atmosphères, le basalte et le porphyre sous des poids de 2,000 et 2,500 atmosphères; quand la pression atteint ces limites, les roches se désagrègent, se pulvérisent intérieurement. Le cuivre, l’acier, la fonte de fer, résistent à des pressions doubles ou triples; mais que deviennent les métaux sous une pression cent fois, mille fois plus forte? Quel est le jeu des forces moléculaires dans un solide ou dans un liquide soumis à une pression de plusieurs millions d’atmosphères en même temps qu’à une température de quelques milliers de degrés? Qu’est-ce que l’état solide ou l’état liquide quand on se place dans ces conditions? Les données nous manquent absolument pour répondre à ces questions, et tout ce qu’on pourrait avancer à cet égard serait purement hypothétique. « On peut comparer les mathématiques, a dit spirituellement M. Huxley, à un moulin d’un travail admirable, capable de moudre à tous les degrés de finesse ; mais ce qu’on en tire dépend ce qu’on y a mis, et comme le plus parfait moulin du monde-ne peut donner de la farine de froment si on n’y met que des cosses de pois, de même des pages de formules ne tireront pas un résultat certain d’une donnée incertaine. »


R. RADAU.