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conclusion a été attaquée, et je suis heureux de voir mon opinion à ce sujet confirmée par une autorité aussi éminente que celle de l’archidiacre Pratt. Il m’a toujours semblé, en vérité, que M. Hopkins eût pu pousser plus loin son argumentation et conclure qu’aucune masse liquide continue, approchant des dimensions d’un sphéroïde de 6,000 milles (9,600 kilomètres) de diamètre, ne peut exister dans l’intérieur de la terre sans rendre les phénomènes de la précession et de la nutation très sensiblement différens de ce qu’ils sont. »

Ces conclusions commençaient à être acceptées par les géologues, et l’hypothèse du noyau liquide passait peu à peu à l’état de préjugé suranné, quand le regretté M. Delaunay entreprit de battre en brèche l’argument principal et déclara qu’à son avis l’objection de M. Hopkins ne reposait sur aucun fondement réel[1]. « Prenons, pour fixer les idées, dit M. Delaunay, un ballon de verre rempli d’eau. Si nous admettons que ce liquide soit doué d’une fluidité absolue, il est clair qu’en imprimant brusquement au ballon un mouvement de rotation autour d’un axe vertical, il devra tourner seul, sans entraîner le liquide. C’est ce qu’on vérifie facilement en donnant au ballon un mouvement de rotation plus ou moins rapide; des corps légers, en suspension dans l’eau, paraîtront ne pas bouger de place malgré la rotation du ballon. Mais en sera-t-il toujours de même, quelle que soit la vitesse du mouvement? Si l’on fait tourner le ballon avec une extrême lenteur, verra-t-on encore le liquide rester indifférent à ce mouvement de l’enveloppe ? En admettant la fluidité absolue du liquide, on fait abstraction de sa viscosité. Or cette viscosité, bien que très faible, n’est pas nulle, et il en résulte que, si la rotation est suffisamment lente, le liquide sera entraîné par le ballon, de sorte que le tout tournera tout d’une pièce, absolument comme un corps solide. » Cet entraînement du liquide a d’ailleurs été constaté par M. Champagneur dans une série d’expériences entreprises, à la demande de M. Delaunay, au laboratoire de recherches de la Sorbonne.

Pour appliquer ce raisonnement au globe terrestre, admettons qu’il est formé d’une masse liquide recouverte d’une pellicule solide; il est tout d’abord évident que, sans les perturbations dues à la présence du renflement équatorial, la masse entière tournerait tout d’une pièce autour de l’axe polaire ; si une différence quelconque avait pu exister entre le mouvement de l’enveloppe et celui du noyau liquide, les frottemens n’auraient pas tardé à la détruire. Les actions perturbatrices de la précession et de la nutation impriment

  1. Comptes rendus de l’Académie des sciences, juillet 1868.