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des causes en géologie rejettent l’idée des révolutions brusques qui sont invoquées dans le camp opposé. On ne peut cependant nier que la terre a vieilli et que ses activités ont dû changer. Sir W. Thomson fait à cet égard une remarque judicieuse : « Il serait surprenant, mais, à la rigueur, admissible, que l’activité volcanique n’eût jamais été, au total, plus intense qu’à l’époque actuelle. Cependant il n’est pas moins certain que la terre renferme aujourd’hui une provision d’énergie volcanique moindre qu’il y a mille ans ; exactement comme un navire de guerre, après avoir entretenu un feu nourri durant cinq heures sans renouveler ses munitions, contient alors moins de poudre dans ses soutes qu’avant le combat. » M. Charles Sainte-Claire Deville, dans ses leçons du Collège de France, invoquait encore, contre l’école de l’uniformité, des considérations empruntées à une étude de M. J. Bertrand sur la similitude en mécanique, d’où il résulte qu’il n’est pas permis, pour obtenir un déplacement d’une grandeur donnée, de suppléer à un déficit dans la force par une longueur indéfinie du temps employé. Les argumens physiques ne feraient donc pas défaut pour soutenir l’hypothèse des révolutions géologiques attribuées à la réaction du noyau liquide. Mais nous allons examiner ceux que nous fournit l’astronomie.


IV.

Emmanuel Swedenborg n’a laissé que le souvenir d’un théosophe et d’un thaumaturge; c’était pourtant un ingénieur distingué, et, avant de devenir le chef d’une secte d’illuminés, l’assesseur du Collège des mines de Stockholm a publié des travaux qui ne sont point sans valeur. Dans son grand ouvrage de 1734 (Principia rerum naturalium), sur lequel M. Nyrén vient de rappeler l’attention du monde savant, on trouve exposée pour la première fois une théorie de l’univers qui ressemble beaucoup à la célèbre hypothèse cosmogonique de Laplace. Swedenborg, en effet, imagine un tourbillon solaire d’où peu à peu se détache un anneau dont la dislocation donnera naissance à des globes planétaires accompagnés de satellites[1]. Vingt ans plus tard, des idées analogues sont soutenues par Emm. Kant, qui au reste n’a fait, paraît-il, que commenter et développer les vues de Thomas Wright[2] ; dans ce système, les planètes naissent directement de la condensation de la matière nébuleuse, sans formation préalable d’anneaux. Ces tentatives sont curieuses au point de vue de l’histoire de la science ; il en est de

  1. Le chapitre est intitulé : de Chao universali solis et planetarum, deque separatione ejus in planetas et satellites.
  2. An Original Theory or new Hypothesis of the Universe; Londres, 1750.