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chimique des émanations du Vésuve, de l’Etna, du volcan de Santorin, ont montré que ces émanations proviennent en partie de la décomposition de l’eau marine.

Tant de preuves accumulées ne permettent plus de douter de l’intervention habituelle de l’eau dans la production des phénomènes volcaniques. Évidemment les eaux de la mer s’infiltrent dans des réservoirs souterrains par des fissures, ou par transsudation sous l’influence de l’énorme pression qu’elles supportent ; arrivées au contact des laves incandescentes qui existent à de grandes profondeurs, elles sont vaporisées, et la tension croissante des vapeurs violemment chauffées amène de temps à autre une explosion de ces chaudières souterraines. La chaleur des coulées se dissipe rapidement au contact de l’air, mais au fond des cratères la température de la lave incandescente peut être estimée à 2,000 degrés, car on a vu des métaux réfractaires se fondre au voisinage d’un courant de lave. Ne fût-elle que de 1,200 degrés, la tension de la vapeur qui se développe au contact de matières aussi chaudes suffit amplement à rendre compte de la force explosive qui produit les éruptions. Il n’est même pas nécessaire de placer le siège de cette force à une profondeur aussi considérable que 20 kilomètres pour expliquer la présence des matières en fusion, car rien n’empêche de supposer que, dans les régions volcaniques, l’écorce du globe offre une épaisseur plus faible qu’ailleurs. Il est fort possible que la surface interne de cette écorce soit creusée de longs sillons et fendillée par des crevasses, surtout le long des lignes où les contours des continens marquent les soudures des plaques d’inégale densité qui constituent la terre ferme et le lit de l’Océan.

La quantité de matière qu’un volcan peut rejeter dans une seule éruption dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Le volume de la coulée de lave qui, lors de la grande éruption de 1840, sortit du cratère de Kilauea, a été évalué à 5 milliards et 1/2 de mètres cubes ; une masse encore plus considérable fut vomie en 1855 par le cratère qui existe au sommet de la montagne de Mauna-Loa, dont le Kilauea représente l’évent inférieur. Mais ces éruptions sont bien peu de chose à côté de celle qui, en 1783, fit sortir du volcan islandais de Skaptar-Jokul une quantité de lave comparable au volume du Mont-Blanc, car on estime qu’elle n’a pas été inférieure à 500 milliards de mètres cubes ! D’après l’évaluation, probablement exagérée, de Zollinger, le volume total des scories et des cendres lancées en 1815 par un volcan de l’île Sumbava, le Timboro, à des distances de 500 kilomètres, égalerait deux fois celui du Mont-Blanc. On a des données plus précises sur l’explosion du Coseguina, petit volcan de l’Amérique centrale, qui, en 1835, fit pleuvoir la pierre ponce sur les campagnes et sur la mer dans un