Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/896

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sphère devient un sphéroïde aplati. On peut observer cette déformation en faisant tourner rapidement autour d’un axe vertical une sphère d’argile ou des cercles d’acier flexibles; c’est une expérience qui se fait dans les cours de physique. L’aplatissement du sphéroïde se conserve lorsque la masse liquide se solidifie d’une manière plus ou moins complète. En rapprochant du centre les deux pôles tandis qu’il en éloigne les points de l’équateur, cet aplatissement augmente encore l’écart entre l’intensité de la pesanteur à l’équateur et aux pôles. On pourrait constater cet écart en mesurant, par la tension d’un ressort, le poids apparent d’un même kilogramme sous les différentes latitudes; mais un moyen plus sûr d’apprécier les variations de la pesanteur est fourni par les oscillations du pendule, qui sont d’autant plus lentes que l’attraction terrestre est plus faible. L’astronome Richer, ayant été envoyé à Cayenne en 1672 pour y observer la planète Mars, avait remarqué qu’un pendule réglé à Paris retardait à Cayenne de deux minutes et demie par jour. C’est cette observation, d’abord inexpliquée, qui fit soupçonner à Newton que la terre devait être un sphéroïde aplati.

On comprend maintenant que la connaissance exacte de la figure de la terre ait une grande importance au point de vue des hypothèses qu’on peut faire sur la constitution intérieure de notre planète. La géodésie, — cet arpentage en grand, qui prend ses points de repère à la fois sur la terre et dans le ciel, — n’a pas encore terminé son œuvre. Depuis l’abbé Picard, à qui nous devons la première mesure d’un degré du méridien, et les célèbres voyages de Bouguer et La Condamine au Pérou, de Maupertuis en Laponie, qui confirmèrent l’aplatissement du globe, de grands travaux du même ordre ont été exécutes dans presque toutes les parties du monde; l’association géodésique internationale, constituée depuis quelques années, s’occupe de les relier entre eux, de les compléter et d’en tirer un résultat — provisoirement — définitif. Nous savons, avec certitude, que la figure de la terre ne s’éloigne pas beaucoup d’une sphère parfaite, car l’aplatissement qui résulte des mesures géodésiques est, en nombre rond, égal à 1/300, d’où il suit que le rayon équatorial ne surpasse le rayon polaire que de 22 kilomètres. Ce nombre, qui représente l’épaisseur du renflement équatorial, égale deux fois et demie la hauteur du Gaurisankar, quatre fois et demie celle du Mont-Blanc; mais il faut toujours avoir présent à l’esprit que, sur une boule de 13 mètres de diamètre, les 22 kilomètres en question ne produiraient qu’une inégalité de 2 centimètres, qui serait tout à fait imperceptible pour nos yeux. De même, le relief naturel du sol ne donne lieu qu’à des irrégularités insignifiantes : les Alpes ou l’Himalaya seraient figurés, sur la boule de 13 mètres, par des saillies de quelques millimètres seulement,