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Le premier siège où l’on puisse constater des approches régulières, un terrain gagné pied à pied, appartient à l’histoire de Denys. Les catapultes font d’abord évacuer les remparts, puis les travailleurs rétablissent à grand renfort de blocs la chaussée rompue. Les tours de bois à six étages sont alors roulées à toucher les murs. Les Perses de Xerxès ont jadis mis le feu aux palissades qui entouraient l’Acropole d’Athènes à l’aide de flèches garnies de paquets d’étoupes enflammées; les habitans de Motye recourent au même moyen pour tenter d’incendier les tours du haut desquelles les soldats de Syracuse combattent de niveau avec leurs guerriers. Ils essaient même de retrouver l’avantage d’un tir plongeant en dressant sur le terre-plein de leurs bastions de grands mâts portant au sommet, en guise de hunes, de vastes paniers. Des gens de trait ont pris place au fond de ces corbeilles et y forment comme un corps d’archers aériens. Les béliers de Denys n’en continuent pas moins de battre sans relâche le pied des murs. Une brèche est enfin ouverte. Les Motyens ont renoncé à la défendre ; ils se replient en arrière, barricadent les rues et garnissent de défenseurs les maisons. C’est un nouveau siège qui commence. Denys fait élargir à coups de sape la brèche ; les tours mobiles s’avancent, abaissent sur les toits les ponts dont on les a munies et le combat s’engage à vingt ou trente pieds au-dessus du sol. Les assiégeans gagnent peu à peu du terrain, mais la lutte sera longue, car l’ennemi n’attend pas de merci et ne s’est pas ménagé de retraite. Un soldat de Thurium, Archylus, profite de l’obscurité de la nuit; il parvient, suivi de quelques compagnons, à escalader un pâté de maisons écroulées. Les Motyens font de vains efforts pour le chasser de ce monceau de décombres; les colonnes que Denys a pris soin de masser sur la chaussée accourent au bruit du combat et couronnent de leurs bataillons la position conquise. Ils en font, en quelques instans, une véritable place d’armes. C’est de là qu’aux premières lueurs du jour le tyran précipite ses troupes sur l’ennemi. Les Motyens éperdus ont jeté bas les armes; ils attendent les ordres du vainqueur.

Pas de pitié pour les Grecs qui ont embrassé le parti de Carthage! Qu’on leur inflige le supplice dont les Carthaginois ont tant de fois donné l’odieux spectacle à la Sicile! Qu’on les cloue à la croix et qu’ils puissent, en mourant, jeter un dernier regard sur cette mer déserte qui devait leur ramener la flotte d’Imilcon et qui ne leur apporte que le souffle desséchant du simoun échauffé par les sables de la Libye! Quant aux Motyens eux-mêmes, ils sont moins coupables; Denys se contentera de les vendre à l’encan et de livrer leurs demeures au pillage de ses soldats. C’est ainsi que jadis