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dont M. de Rossi déclare avoir plus d’une fois tiré profit. Sous ce titre : Histoire des arts à la cour des papes pendant le XVe et le XVIe siècle, M. Müntz a entrepris une enquête érudite avec le secours des archives romaines. Son livre, dont nous n’avons encore que deux parties, rappelle ces deux ouvrages de M. le comte de Laborde qui ont rendu, par les documens publiés et par la méthode, un si grand service à la science historique : les Ducs de Bourgogne et Athènes aux XVe, XVIe et XVIIe siècles. On se rappelle qu’un ingénieux emploi des pièces comptables et des registres de dépenses y devenait la source de renseignemens nombreux et authentiques, de nature à faire pénétrer l’historien dans la vie réelle du passé. M. Müntz a pensé de même, avec raison, qu’en vue d’une recherche sur les destinées des monumens, sur les travaux publics et les arts dans Rome, les dossiers manuscrits des archives romaines, si riches et si peu connues parce qu’elles sont difficiles à explorer, contiendraient d’admirables ressources. L’administration de la curie pontificale tenait ses registres de comptes avec une ponctuelle exactitude ; il est clair que de tels registres, notant un à un, avec détail, les paiemens acquittés à chaque ouvrier, à chaque artiste, deviendraient pour qui saurait les comprendre un vivant tableau de la réalité. M. Müntz a entrepris de réunir, de comparer, de commenter ces innombrables renseignemens. Pendant plusieurs années, avec une patience ardente et un dévoûment extrême, il a mis à contribution les divers dépôts de Rome, mais aussi de Florence, de Naples, de Paris. Le fruit de ce travail considérable est un livre composé à peu près uniquement d’informations inédites, auquel devront recourir désormais tous ceux qui voudront s’occuper de la renaissance. En tête de chaque pontificat, une notice préliminaire résume les résultats particuliers obtenus par l’auteur ; puis une série de paragraphes étudie tour à tour chacun des grands travaux accomplis dans Rome, murs et fortifications, portes de la ville, ponts du Tibre, rues et places, monumens antiques, églises et basiliques; le développement particulier de chacun des arts annexes à l’architecture suit parallèlement. Sous chacune de ces rubriques, les témoignages que recelaient tant d’archives viennent se ranger, et, chemin faisant, des discussions partielles ou de simples comparaisons de textes, mises spécialement en relief, rectifient des erreurs trop longtemps admises, éclaircissent de nombreux doutes, ajoutent à ce qu’on savait déjà des traits importans ou d’utiles détails.

L’un et l’autre ouvrage apportent donc de nouvelles et intéressantes lumières à ce qu’on peut appeler l’histoire monumentale de Rome. Ils ont vraiment une histoire aussi bien que le grand peuple qui les a construits, ces édifices témoins de si nombreuses vicissitudes.