Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/808

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vie animale ; il passe à l’état de force brutale qu’on peut déchaîner contre la société.

Quel est le devoir de l’église ? Elle doit reprendre son ancien rôle. Elle doit réveiller et réchauffer dans son sein le zèle apostolique. Elle doit disputer le pauvre à toutes les influences pernicieuses qui peuvent s’exercer sur lui. Elle doit être la première à distribuer l’instruction, à répandre les aumônes, à porter la consolation où est l’infortune : elle doit reconquérir la direction des âmes. Qu’a-t-elle droit d’attendre de l’état ? Celui-ci doit grossir les rangs du clergé inférieur pour qu’il puisse être partout présent ; il doit améliorer sensiblement sa situation pour relever sa considération et son autorité et le mettre en état de faire le bien. Il-doit surtout respecter la liberté de l’église, parce qu’en l’asservissant il frappe de paralysie l’auxiliaire le plus fidèle et le plus utile qu’il puisse avoir dans l’accomplissement de sa tâche qui est la concorde de toutes les classes et le bien général.

A côté de l’église, une autre des forces sociales avait aussi déserté sa tâche traditionnelle : c’était l’aristocratie.

Quelques familles puissantes qui devaient leurs honneurs, leur crédit et leurs richesses à la part qu’elles avaient prise à l’expulsion des Stuarts s’étaient habituées à trafiquer du pays sous l’administration corruptrice de Walpole. Après avoir perdu le pouvoir pour avoir fait litière des libertés publiques, vainement défendues par les tories, elles avaient voulu, pour recouvrer leur prépondérance, mettre à profit le mouvement libéral et réformateur issu de la révolution française. Elles avaient tenté de détruire en Angleterre l’influence légitime et séculaire des propriétaires du sol et de faire passer la suprématie politique aux mains de la bourgeoisie et de l’industrie manufacturière, afin de gouverner sous le nom de celles-ci. Tel avait été l’objet du bill de réforme, mesure partiale, dépourvue d’équité et de prévoyance, qui, au lieu de faire une juste part à tous les élémens de la société, avait visé uniquement à déplacer l’axe de la politique anglaise.

Qu’en était-il résulté ? C’est que les nouveaux détenteurs du pouvoir politique n’avaient songé immédiatement qu’à consolider leur influence et à la faire tourner au profit exclusif de leurs intérêts. Après avoir fanatisé les classes ouvrières et les avoir employées comme une machine de guerre contre le gouvernement, après avoir fait luire à leurs yeux des horizons d’une prospérité sans mélange, ils les avaient exclues de toute participation aux affaires municipales qui touchent à leurs intérêts de tous les jours. Puis ils avaient révisé la législation sur le paupérisme afin de s’affranchir, eux et leurs cliens, d’une partie des taxes locales. Quand la royauté avait confisqué les biens ecclésiastiques qui étaient le patrimoine des