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une subvention, la fondation d’une école normale pour former des maîtres et enfin l’établissement d’écoles pour les petits enfans. L’école normale et les écoles primaires devaient être ouvertes à tous, sans distinction d’opinions religieuses. Ce bill, qui a été le point de départ de l’organisation d’une instruction publique en Angleterre, souleva une ardente opposition de la part du clergé anglican, et ne triompha, à une majorité de deux voix, que par l’appui des députés catholiques. Le parti tory fut unanime à le repousser. M. Gladstone, qui était alors un tory ardent, se signala par la véhémence de son opposition. Son principal argument mérite d’être signalé par le contraste qu’il offre avec les opinions subséquentes et la réputation de libéralisme de cet orateur. « Le bill, au jugement de M. Gladstone, était une tentative pour établir entre les diverses sectes chrétiennes une certaine égalité : un pareil principe était contraire à la constitution. Il mettait la vérité et l’erreur sur un pied d’égalité. La pratique de la constitution avait été jusqu’à ce moment et la loi présente du pays était encore de soutenir uniquement l’église que la législature avait déclarée être l’église du pays. Si l’on prétendait que l’état a le devoir de subventionner toutes les écoles, ne serait-ce pas aussi son devoir de subventionner toutes les églises? »

M. Disraeli combattait le bill à un tout autre point de vue. Ce qu’il repoussait, c’était l’intervention de l’état; c’était la création d’un mécanisme officiel. L’éducation des enfans intéresse surtout la famille : c’est donc une matière essentiellement domestique où il faut faire la part des citoyens aussi large et la part de l’état aussi restreinte que possible. Les gouvernemens qui suppléent par l’action administrative à l’accomplissement des devoirs privés, les gouvernemens qui s’intitulent paternels, sont les plus prompts à dégénérer en despotisme. « Il y avait, en ce monde, un pays où l’instruction était donnée par l’état, où elle était le seul titre aux emplois publics. Ce pays devait être assurément, aux yeux des auteurs du bill, l’école normale des nations, la société modèle. Or ce pays était la Chine. Pour ne point sortir de l’Europe, le gouvernement paternel de la Prusse faisait assez voir que la plus sûre méthode pour inculquer à une nation l’obéissance passive était de la façonner à la tyrannie dès le berceau. Le parlement devait réfléchir avant de permettre un seul pas dans cette voie. Que l’état vînt en aide à tous les efforts tentés en faveur de l’instruction, qu’il secondât toutes les initiatives, mais qu’il n’intervînt à aucun titre dans la distribution de l’enseignement: son assistance suffisait. N’était-ce pas à l’initiative et à la générosité privées que l’Angleterre était redevable de ses universités, de ses cathédrales et de ses collèges? »

Ainsi, en combattant la même mesure, M. Gladstone puisait ses