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Ses belles-sœurs brillaient aussi d’un nombre infini de pierres précieuses, et l’empereur, nous examinant toutes les unes après les autres, souriait à ce luxe, qui était, comme tout le reste, une création subite de sa volonté.

Lui-même aussi portait un costume brillant. Ne devant revêtir qu’à l’église ses habits impériaux, il avait un habit français de velours rouge brodé en or, une écharpe blanche, un manteau court semé d’abeilles, un chapeau retroussé par devant avec une agrafe de diamans et surmonté de plumes blanches, le collier de la Légion d’honneur en diamans. Toute cette toilette lui allait fort bien. La cour entière était en manteau de velours brodé d’argent. Nous nous faisions un peu spectacle les uns aux autres, il faut en convenir; mais ce spectacle était réellement beau.

L’empereur monta dans une voiture à sept glaces toute dorée, avec sa femme et ses deux frères, Joseph et Louis. Chacun, ensuite, se rendit à la voiture qui lui était désignée, et ce nombreux cortège alla au pas jusqu’à Notre-Dame. Les acclamations ne manquèrent pas sur notre passage. Elles n’avaient point cet élan d’enthousiasme qu’aurait pu désirer un souverain jaloux de recevoir les témoignages d’amour de ses sujets; mais elles pouvaient satisfaire la vanité d’un maître orgueilleux et point sensible.

Arrivé à Notre-Dame, l’empereur demeura quelque temps à l’archevêché pour y revêtir ses grands habits. Le costume paraissait l’écraser un peu. Sa petite taille se fondait sous cet énorme manteau d’hermine. Une simple couronne de laurier ceignait sa tête; il ressemblait à une médaille antique. Mais il était d’une pâleur extrême, véritablement ému, et l’expression de ses regards paraissait sévère et un peu troublée.

Toute la cérémonie fut très imposante et belle. Le moment où l’impératrice fut couronnée excita un mouvement général d’admiration, non pour cet acte en lui-même, mais elle avait si bonne grâce, elle marcha si bien vers l’autel, elle s’agenouilla d’une manière si élégante et en même temps si simple, qu’elle satisfit tous les regards. Quand il fallut marcher de l’autel au trône, elle eut un moment d’altercation avec ses belles-sœurs, qui portaient son manteau avec tant de répugnance que je vis l’instant où la nouvelle impératrice ne pourrait point avancer. L’empereur, qui s’en aperçut, adressa à ses sœurs quelques mots secs et fermes qui mirent tout le monde en mouvement.

Le pape, durant toute cette cérémonie, eut toujours un peu l’air d’une victime résignée, mais résignée noblement par sa volonté et pour une grande utilité.

Vers deux ou trois heures, nous reprîmes en cortège le chemin