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vive curiosité poussait la foule sur son passage, quand il visitait les églises, et sous son balcon, aux heures où il s’y montrait pour donner sa bénédiction. Mais, peu à peu, les récits que faisaient ceux qui l’approchaient de la dignité de ses manières, quelques paroles nobles et touchantes qu’il prononça en diverses occasions et qui furent répétées, et l’aplomb avec lequel il soutenait une situation si étrange pour le chef de la chrétienté, produisirent un changement marqué même chez les classes inférieures du peuple. Bientôt la terrasse des Tuileries se vit couverte durant toutes les matinées d’un monde immense qui l’appelait à grands cris, et qui s’agenouillait devant la bénédiction. On avait permis que la galerie du Louvre se remplît à certaines heures de la journée, et alors le pape la parcourait et y bénissait ceux qui s’y trouvaient. Nombre de mères lui présentaient leurs enfans, qu’il accueillait avec une bienveillance particulière. Un jour, un homme connu par ses opinions antireligieuses, se trouvait dans cette galerie, et voulant satisfaire seulement une vaine curiosité, se tenait à l’écart comme pour éviter d’être béni. Le pape, s’approchant de lui et devinant sa secrète et hostile intention, lui adressa ces paroles d’un ton doux : « Pourquoi me fuir, monsieur? La bénédiction d’un vieillard a-t-elle quelque danger? »

Bientôt tout Paris retentit des louanges du pape, et bientôt aussi l’empereur commença à en être jaloux. Il prit quelques arrangemens qui obligèrent Sa Sainteté à se refuser à l’empressement trop vif des fidèles, et le pape, qui pénétra l’inquiétude dont il était l’objet, redoubla de réserve, sans jamais laisser paraître la moindre apparence du plus petit orgueil humain.

Deux jours avant le couronnement, M. de Rémusat, qui en même temps que premier chambellan était aussi maître de la garde-robe, et qui par cette raison se trouvait chargé de tous les préparatifs des costumes impériaux, allant porter à l’impératrice son élégant diadème qui venait d’être achevé, la trouva dans un état de satisfaction qu’elle avait peine à dissimuler publiquement. Prenant mon mari à part, elle lui confia que, dans la matinée de cette journée, un autel avait été préparé dans le cabinet de l’empereur, et que le cardinal Fesch l’avait mariée en présence de deux aides de camp. Après la cérémonie, elle avait exigé du cardinal une attestation par écrit de ce mariage. Elle la conserva toujours depuis avec soin, et jamais, quelques efforts que l’empereur ait faits pour l’obtenir, elle n’a consenti à s’en dessaisir.

On a dit, depuis, que tout mariage religieux qui n’a point pour témoin le curé de la paroisse où il est célébré renferme par cela même une cause de nullité, et que c’est à dessein qu’on se réserva