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à la campagne; je demeurai un mois dans la vallée de Montmorency chez Mme d’Houdetot, dont j’ai déjà parlé; la vie douce que j’y menai me reposa des émotions pénibles que je venais d’éprouver presque sans interruption. J’avais besoin de cette retraite; ma santé qui, depuis, a toujours été plus ou moins faible, commençait à s’altérer ; elle me donnait quelque tristesse qui s’augmentait encore des impressions nouvelles que je recevais par les découvertes que je faisais peu à peu et sur les choses en général, et sur quelques personnages en particulier. Le voile doré dont Bonaparte disait que les yeux sont couverts dans la jeunesse commençait, pour moi, à perdre de son éclat, et je m’en apercevais avec une surprise qui fait toujours plus ou moins souffrir, jusqu’à ce que l’expérience en ait amorti les premiers effets.


CHAPITRE IX.
(1804.)
Organisation de la flotte de Boulogne. — Article du Moniteur. — Les grands officiers de la couronne. — Les dames du palais. — L’anniversaire du 14 juillet. — Beauté de l’impératrice. — Projets de divorce. — Préparatifs du couronnement.


Peu à peu les différentes flottilles construites dans nos ports venaient toutes se réunir à celle de Boulogne; quelquefois, dans le trajet, elles essuyaient des échecs, car les vaisseaux anglais croisaient incessamment sur les côtes pour s’opposer à ces jonctions. Les camps de Boulogne, de Montreuil et de Compiègne offraient le coup d’œil le plus imposant, et l’armée devenait de jour en jour plus nombreuse et plus redoutable.

Sans doute ces préparatifs excitèrent de l’inquiétude en Europe, de même que les discours qu’ils faisaient tenir à Paris, car on inséra dans les journaux un article qui ne produisit pas alors un grand effet, mais qu’il m’a paru assez important de conserver, parce qu’il est un récit exact de tout ce qui a été fait depuis.

Cet article parut dans le Moniteur, le 10 juillet 1804, le même jour que l’on y rendit compte de l’audience que l’empereur donna à tous les ambassadeurs qui venaient de recevoir de nouvelles lettres de créance auprès de lui; quelques-unes étaient accompagnées de] paroles flatteuses des souverains étrangers sur son avènement au trône. Voici l’article :

« De tout temps, la capitale a été le pays des on-dit. Chaque jour fait naître une nouvelle que le lendemain voit démentir. Quoiqu’on