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disait-il, était venu le surprendre ; mais, en même temps, il déclara qu’il avait positivement refusé d’entrer dans un projet qui remettait la maison de Bourbon sur le trône, puisque son retour devait compromettre la propriété des biens nationaux, et il ajouta que, pour ce qui le regardait personnellement, il avait répondu que ses prétentions seraient insensées, car il faudrait, pour qu’elles réussissent, qu’on eût fait disparaître le premier consul, les deux autres consuls, le gouverneur de Paris et la garde. Il déclara n’avoir vu Pichegru qu’une fois, quoique d’autres accusés assurassent qu’il y avait eu plusieurs entrevues, et il demeura toujours sur ce système de défense, ne pouvant nier cependant qu’il avait découvert assez tard que Fresnières, son secrétaire intime, avait beaucoup de relations avec les conjurés. Ce secrétaire, dès le commencement de l’affaire, avait pris la fuite.

Georges Cadoudal répondit que son projet était d’attaquer de vive force le premier consul, qu’il n’avait pas douté que, dans Paris même, il ne se présentât des ennemis du régime actuel qui l’aideraient dans son entreprise, qu’il eût tenté de tout son pouvoir de remettre Louis XVIII sur son trône. Mais il nia qu’il connût ni Pichegru, ni Moreau ; il termina ses réponses par ces paroles : «Vous avez assez de victimes: je n’en veux pas augmenter le nombre. »

Bonaparte parut frappé de la fermeté de ce caractère et nous dit à cette occasion : « S’il était possible que je pusse sauver quelques-uns de ces assassins, ce serait à Georges que je ferais grâce. »

M. de Polignac, l’aîné, répondit qu’il n’était venu secrètement en France que pour s’assurer positivement de l’opinion publique et des chances qu’elle pouvait offrir, que, lorsqu’il s’était aperçu qu’il était question d’un assassinat, il avait pensé à se retirer, et qu’il serait sorti de France s’il n’eût pas été arrêté.

M. de Rivière répondit de la même manière, et Jules de Polignac prouva qu’il avait seulement suivi son frère.