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au sérieux. Lorsque l’on étudie leur histoire, il faut toujours se rappeler leurs forfaits pour ne pas éclater de rire.

Cette opinion dont la sévérité n’a rien d’excessif, lorsque l’on se reporte par le souvenir aux actes qui l’ont fait naître, n’est plus de mise aujourd’hui. La commune a trouvé des défenseurs et des apologistes. Tous les torts sont du côté de la légalité, du côté de Versailles, comme l’on dit; le droit est devenu criminel, la révolte est devenue sacrée. L’assassinat des généraux sur les buttes Montmartre, le massacre des otages, l’incendie de Paris, ne sont plus que des peccadilles, à moins que ce ne soient des calomnies monarchistes et cléricales. Que pouvaient donc faire ces pauvres révolutionnaires de la fédération, du comité central, de la commune, sinon se défendre contre la France, la France tout entière, qui ne voulait pas leur permettre de faire sauter l’édifice social? C’est la vieille histoire du loup qui se plaint du berger, quand celui-ci ne le laisse pas tranquillement égorger le troupeau; étrange façon de travestir la réalité : c’est l’incendiaire qui crie : Au feu ! c’est l’assassin qui crie : Au meurtre! Cela n’est pas grave et cela passera, rien ne prévaut contre la vérité : les passions ambitieuses et les scélérats malsains peuvent parfois l’obscurcir; mais ce n’est que pour peu de temps, elle reparaît bientôt dans son énergique nudité, et il lui suffit d’un regard pour dissiper tous les mensonges.

On a beau inventer des légendes, les propager, les mettre en prose ou en vers; on a beau parler de la grande bataille du Père La Chaise, des 40,000 exécutions sommaires, de l’héroïsme des communards, de la férocité des soldats, tout cela tombe, tout cela tombera devant l’étude impartiale des faits; les auteurs de ces erreurs volontaires en seront pour leurs frais d’imagination, et d’elles-mêmes ces historiettes rentreront dans le néant. Elles ont cependant actuellement une influence qui doit être signalée : elles ont fait croire aux révoltés de 1871 qu’ils avaient été les chevaliers et les apôtres d’une cause méconnue. En vérité, ils ont été les chevaliers de la débauche et les apôtres de l’absinthe; mais ils ne le croient guère et ils s’enorgueillissent. Ils ne sont pas des coupables repentis, comme les honnêtes gens pourraient se le figurer; non pas, ce sont des victimes injustement condamnées, ce sont de glorieux vaincus. Ils racontent la commune comme un soldat raconte ses campagnes; ils ne portent plus les galons qui leur étaient si chers, mais ils ont conservé les titres dont ils s’étaient affublés pendant ces jours de désolation, ils signent leurs lettres : ancien chef du... bataillon fédéré,.., ancien chef d’état-major de.., ancien délégué à... Ils assignent au jour de la revanche ceux qui écrivent leur histoire, et dans les juges qui les ont condamnés ils ne voient que « des soudards ivres d’eau-de-vie et de sang. » Il faut sourire, cela ne vaut pas plus.