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le même ; il s’est donné une fois et pour toujours. Et puis, par derrière l’empereur, il y a la France qu’il ne conçoit pas sans lui, et cette pensée suffirait, même fût-il privé de ses faveurs, pour qu’il désirât encore le maintien de son pouvoir et la continuation de ses triomphes.


17 novembre 1807. — « Je sers mon souverain du mieux que je peux, et les petites intrigues et jalousies ne m’ont jamais inquiété pour deux puissantes raisons : la première qu’elles ne peuvent avoir d’influence sur lui, la deuxième que, me conduisant dans l’intention de faire tout ce qui peut et doit être bon pour son service, je suis parfaitement tranquille sur les résultats. J’appelle être tranquille sur les résultats, ma chère Aimée, de ne pas craindre une disgrâce. Mon dévoûment sans bornes à l’empereur, l’indifférence que j’ai pour mes propres intérêts, le désintéressement que j’apporterai dans toutes mes actions, mille et mille raisons, toutes aussi bonnes, et qui, alors même que je ferais des fautes, m’inspirent la plus grande tranquillité, parce que mes intentions sont toujours droites, me dictent que la disgrâce n’aurait aucun motif fondé, et dès lors elle me serait indifférente. Je trouverais dans l’attachement de ma petite Aimée, dans celui de mes enfans et dans ma propre conscience, non-seulement mille motifs de consolation, mais le vrai bonheur, car il serait à espérer que les petites jalousies me laisseraient tranquille. »

24 novembre 1807. — « .. Si je passe un jour sans me donner le plaisir de t’écrire, crois que la faute n’en tient qu’à mes occupations. Elles sont toujours bien ennuyeuses et bien discordantes avec mes goûts; mais, dans cette circonstance comme dans toutes, je ne consulterai que ce que prescrit le service de l’empereur... Ma chère Aimée, ma conscience me rassure tellement que je ne redoute rien que d’être au-dessous des bienfaits de sa majesté. Si jamais elle me retirait sa bienveillance, je ne l’eusse point mérité, et je n’en éprouverais aucun mécontentement. Mes vœux pour l’empereur, mon admiration, ma reconnaissance seraient les mêmes, et mon bonheur particulier peut-être plus certain. Je m’y livrerais tout entier, et j’y trouverais mille satisfactions que je ne peux pas espérer dans les grandes places. »

19 février 1808. — «... Je suis comblé des bienfaits de l’empereur. Eh bien ! je te jure que demain il me les retirerait que je ne lui en porterais pas moins ces sentimens d’admiration et d’amour que tout bon Français doit éprouver pour le sauveur de notre patrie, parce que rien ne peut m’empêcher d’être bon Français... »

22 janvier 1808. — « .. Tant que de tels désagrémens ne me viendraient pas de l’empereur, je n’y ferais aucune attention. S’ils me venaient de l’empereur, alors le sentiment qui me fait agir et qui me fait valoir quelque chose, celui de servir, de mériter l’estime du libérateur de ma patrie, de celui qui l’a portée au plus haut degré de