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« Bravoure et discipline, telles sont les bases de la morale du soldat.» Il sait aussi dès le premier jour que la probité est la vertu indispensable à toute administration militaire, et il est prêt à applaudir à toute mesure de sévère justice capable d’inspirer la terreur aux fripons et la confiance aux spoliés ou exploités. « Nous sommes maintenant occupés à débrouiller les finances du bataillon qu’une administration illégale de six semaines seulement a plongées dans un chaos qui, lorsqu’il sera débrouillé, mettra au grand jour le brigandage, et, suivant toute apparence, quelques individus qui se sont justement acquis la réputation de lâches pourront aussi fort bien mériter celle de fripons, ces deux qualités coïncidant parfaitement. »

Les talens militaires d’un homme de cet ordre n’étaient pas de ceux qui peuvent rester ignorés, pas plus que son caractère n’était de ceux qui se laissent dédaigner. Appelé au commandement d’une division dès 1793, il refusa cependant ce grade, ne se croyant pas l’expérience nécessaire pour l’occuper, et c’est avec le titre de général de brigade que nous le retrouvons, en 1795, à l’armée de Rhin-et-Moselle. C’est à cette époque qu’il se lia avec le général Marceau d’une amitié qui paraît avoir été des plus vives et des plus réciproques. Une belle lettre, remplie d’expansion, de bonne humeur, et tout empreinte de cette fraternité républicaine qui régnait dans les armées d’alors nous en a conservé le témoignage. Les deux compagnons d’armes rêvèrent même, paraît-il, un instant, une intimité plus étroite encore : introduit par Davout au sein de sa famille, Marceau songea à épouser la sœur de son ami, Mlle Julie Davout, depuis femme du général comte de Beaumont. La mort arrêta ces projets en fleur, comme elle mit fin aussi à une autre illustre amitié, celle de Desaix, qui fut l’introducteur de Davout auprès de Bonaparte peu avant la campagne d’Egypte. Si, comme le veut un proverbe populaire, nous devons être jugés par nos amitiés, rien ne plaide davantage en faveur de l’élévation de nature et de la noblesse de sentimens de Davout que d’avoir su conquérir l’affection des deux plus pures gloires des armées républicaines.

Sur la campagne d’Egypte, les présens Mémoires ne nous donnent qu’un seul document, une lettre du 18 nivôse an VII, datée du camp de Belbia et relative à la prise d’El-Arisch par le grand-vizir; mais le récit que le jeune général y fait de cette affaire humiliante suffit pour révéler l’accent, ou mieux le timbre propre de cette âme en qui le mot de lâcheté, toutes les fois qu’il doit être prononcé, rend une résonnance extraordinaire. Pour Davout, ce mot exprime le crime entre tous ineffaçable. Dès sa première jeunesse, on a pu le voir par nos citations précédentes, ce sentiment était