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très rapprochés et très simples, des gris, des jaunes pâles, des jaunes plus francs, des roux zébrés ou tachetés de bruns, dont il fera ressortir l’heureuse répartition, le peintre trouvera les élémens d’une harmonie originale, à la fois vibrante et contenue. Mais, si excellent que soit le résultat, nous croyons que Rembrandt a vu plus loin que cette œuvre elle-même et qu’il a surtout voulu y chercher une instruction. Plus tard en effet, profitant de l’expérience ainsi acquise, il se servira de cet ensemble de tons qu’il a appris à manier, comme d’un chaud accompagnement sur lequel il détachera les notes vives et hautement timbrées des carnations de ses portraits ou de ses compositions. Quand, dans le fauve des fourrures ou dans le velours sombre des étoiles, il encadrera des visages en pleine lumière qui prendront alors un si prodigieux éclat, le peintre se souviendra de ces études dont la nature lui a fourni le point de départ et les élémens, mais auxquelles son génie seul pouvait donner cette originale appropriation.

Tout évident que fût pour nous un procédé de travail dont la vue même du tableau de Desde nous avait suggéré la pensée, nous aurions hésité à présenter, comme résultant d’une intention méthodique cette tentative qui pouvait, après tout, n’avoir été qu’un essai fortuit. Mais plus d’une fois, nous le savons de source certaine, Rembrandt a renouvelé l’épreuve. Son inventaire, ce témoignage aussi douloureux que sûr, qui nous renseigne sur ses habitudes et ses goûts, nous le montre, dans sa demeure de la Breestraat, entouré de minéraux, de coquilles, de maibres, d’étoiles et de curiosités de toute sorte. Ces objets si variés, qui posaient complaisamment devant lui et dont il pouvait, à son gré, combiner et modifier les dispositions, n’étaient pas seulement une récréation pour ses yeux, mais ils lui fournissaient l’occasion de travaux positifs destinés à son instruction. Nous voyons en effet, outre une autre étude de butor, plusieurs peintures de nature morte figurer dans cet inventaire. Au Louvre même, cette représentation, presque répugnante à force d’être fidèle, d’un bœuf éventré et saignant, pendu à l’état d’un boucher, nous prouve qu’à la date de 1655, dans la pleine maturité de son génie, il poursuivait encore, et cette fois dans une autre gamme, cette série de travaux qui, en développant ses dons originels, devaient l’initier à la connaissance des harmonies de la nature. Ainsi muni, plus tard, quelle que fût la base des colorations auxquelles il eût dessein de s’arrêter pour une œuvre, il en pouvait à l’avance prévoir toutes les ressources et mettre en évidence les qualités les plus expressives.

Mais ce n’est pas seulement sur la couleur que portaient ses recherches. Tous les problèmes que peut se proposer an peintre le