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I.

On serait injuste envers les prédécesseurs ou les contemporains de Rembrandt et on ne le grandirait pas en lui attribuant le rôle de fondateur de l’école hollandaise. L’erreur serait égale d’ailleurs de supposer qu’autour de lui tous les peintres de cette école ont subi son influence et perdu à l’imiter quelque chose de leur originalité. S’il reste le plus grand des maîtres de la Hollande, si son action sur quelques-uns des artistes de son pays a été bien réelle, d’autres, avant comme après lui, sont demeurés eux-mêmes et ont conservé leur physionomie. Sa gloire est assez haute pour qu’on n’essaie pas d’y ajouter aux dépens d’autrui.

Sur l’époque qui a immédiatement précédé Rembrandt et sur les enseignemens mêmes qu’il a reçus, le musée de Brunswick fournit d’utiles informations. Mais des deux courans qui entraînèrent à son origine l’art de la Hollande, celui qui le portait vers l’Italie est surtout représenté dans cette collection. Pour cette autre source plus modeste, mais singulièrement plus profonde et plus pure, qui devait s’épandre sur le sol même d’où elle avait jailli, c’est au musée de Harlem, si intéressant pour l’étude des origines de l’art national, qu’il conviendrait d’en chercher la trace. Là, chez Martin Van Heemskeike nous sommes surtout frappé par le talent du portraitiste, et les figures des donateurs peintes sur les volets du Jésus ou prétoire (1559) nous semblent bien supérieures au tableau lui-même. Là encore, dès la date de 1583, Cornelis de Harlem nous montre avec un Repas d’archers la première représentation de ces sujets civiques qui allaient fournir à l’école hollandaise un de ses thèmes les plus familiers et mettre si heureusement en vue les fortes qualités qui la distinguent. A Brunswick, où nous retrouvons les deux peintres, c’est l’influence Italienne qui, sans partage, se manifeste dans leurs tableaux. Le Baptême du Christ du premier nous fait voir, il est vrai, l’étude du nu abordée avec une franchise assez rare chez un artiste du nord, franchise qui n’est pas ici dépourvue d’une certaine élégance, tandis que cette même étude n’a produit dans l’Age d’or et Vénus et l’Amour du second que des œuvres molles et médiocres. Ni la fadeur doucereuse qui, malgré le mérite de l’exécution, se remarque dans la Flore et Pomone de César Everdingen[1], ni la platitude banale d’une Vénus et Adonis de J. Backer[2], ne sont faites pour nous réconcilier avec cette persistance des préoccupations italiennes que nous constatons

  1. Musée de Dresde, n° 1397 a.
  2. Musée de Cassel, n° 383.