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une question délicate que M. Helbig a traitée avec beaucoup d’intérêt. Il montre d’abord, par l’étude des conditions mêmes de la peinture à Pompéi, qu’il devait y avoir entre l’original et les copies des différences inévitables. Les maisons pompéiennes sont en général petites, l’espace que l’architecte livrait au peintre n’avait pas ordinairement beaucoup d’étendue et ne comportait guère ce que les Grecs appelaient la « mégalographie. » La dimension a beaucoup d’importance dans les arts, et souvent les grands sujets, quand on les enferme dans un cadre trop étroit, deviennent des tableaux de genre. C’est ce qui arrive à Pompéi, où les fresques ne sont ordinairement que des réductions de compositions plus larges et plus vastes. Ajoutons que, si ces fresques nous paraissent manquer un peu de variété, la faute n’en est pas tout à fait imputable à l’école alexandrine d’où elles procèdent. Parmi les innombrables sujets que leur livrait cette école, les artistes pompéiens étaient forcés de choisir, ils prenaient plutôt les scènes riantes et gaies et fuyaient celles qui étaient trop lugubres. « Une peinture violente bouleverse l’âme, » disait Sénèque. Ces bons bourgeois qui voulaient vivre joyeusement, dans ce pays heureux, au pied des pentes verdoyantes du Vésuve, n’auraient pas aimé qu’on leur mît sous les yeux toutes les horreurs de l’antique mythologie. Les crimes de la famille d’Agamemnon, la mort d’Hippolyte, déchiré par les ronces du chemin, avaient donné lieu, nous le savons, à des tableaux célèbres de peintres alexandrins. Nous ne les retrouvons plus à Pompéi. Ils n’étaient pas à leur place dans ces salles réservées aux joies calmes de la famille. Quand les artistes pompéiens se hasardent à peindre quelque scène moins plaisante, le plus souvent ils la modifient. Dircé attachée à un taureau furieux, Actéon dévoré par ses chiens, ne sont plus chez eux que des prétextes pour des études de femmes nues ou d’agréables paysages. Voilà pour l’invention et le choix des sujets ; l’exécution présente encore plus de différences. Lorsqu’on reproduit un tableau dans une fresque, inévitablement on le dénature. La fresque ne comporte pas au même degré cette finesse de traits, cette perfection de détails, qui étaient les principales qualités des maîtres alexandrins. Du reste, ces qualités n’étaient pas celles que recherchaient surtout les peintres de Pompéi ; on peut même soutenir qu’ils n’en avaient pas besoin. Aujourd’hui que les maisons pompéiennes n’ont plus de toits, nous voyons leurs tableaux sous la lumière d’un soleil éclatant qui en fait ressortir les moindres défauts. Mais ils n’étaient pas faits pour ce grand jour. Les salles où ils étaient placés ne s’éclairaient ordinairement que par la porte, et même on avait pris des précautions pour que la lumière qui inondait l’atrium ne pénétrât pas toute par cette unique ouverture. Des voiles tendus