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ment, des mains du comte Andrassy la direction des affaires étrangères de l’Autriche. C’est assez pour que l’opuscule, autrichien ait été mis au nombre des symptômes du moment.

Qu’on brode là-dessus et sur le reste toute sorte d’hypothèses, qu’on se hâte de supposer toute sorte de combinaisons, d’évolutions, d’éventualités, où au besoin la France elle-même aurait son rôle, c’est l’affaire des imaginations promptes et actives. Les événemens ne vont plus si vite. Pour ce qui est de la France, elle n’a sûrement donné à personne pouvoir de lui assigner un rôle, de disposer de sa politique. Elle a assez souffert pour garder sa liberté, pour ne consulter que ses intérêts dans toutes les occasions.

Tout est contraste dans les affaires des peuples comme dans la vie des hommes, tout se mêle dans la politique. À la fin du mois dernier, la famille royale d’Espagne sortait à peine des deuils ; on venait de conduire à l’Escurial une dépouille humaine de plus, tout ce qui restait de cette jeune princesse Pilar, si brusquement enlevée dans sa villégiature des provinces basques. Presque aussitôt la raison d’état a repris ses droits, la politique a fait oublier les deuils : la question du nouveau mariage du roi Alphonse s’est produite comme une diversion riante. Cette couronne qui n’a été portée que quelques mois par la jeune reine Mercedes, l’Espagne va la voir passer sur le front d’une princesse autrichienne, l’archiduchesse Christine. Évidemment tout avait été préparé depuis quelque temps par des négociations qui n’étaient point d’ailleurs absolument un mystère. On savait que la diplomatie matrimoniale était à l’œuvre entre Madrid et Vienne. Cette union royale, elle a été préparée et négociée par les diplomates, elle a été décidée par une rencontre du roi Alphonse et de l’archiduchesse Christine en terre française. Pendant quelques jours, sur une de nos plages, à Arcachon, s’est déroulé ce gracieux roman des deux jeunes futurs époux, qui ne se voyaient pas, il est vrai, pour la première fois, qui se sont connus il y a quelques années à Vienne, à l’époque de l’exil du fils de la reine Isabelle, et qui se rencontraient maintenant pour se plaire. Tout s’est passé, à ce qu’il semble, comme dans les contes de fées. Le roi Alphonse a banni ses tristesses et s’est senti séduit, l’archiduchesse Christine, qui paraît brillante de qualités, a été gagnée à son tour par la bonne grâce du souverain espagnol autant que par l’éclat d’une couronne. L’entrevue s’est prolongée quelques jours dans une aimable simplicité, à l’abri des ennuis du cérémonial et de l’étiquette. On s’est vite trouvé d’accord, et avant deux mois, une escadre espagnole ira chercher la nouvelle reine à Trieste pour la ramener sur les côtes d’Espagne. D’ici là les cortès seront réunies à Madrid pour sanctionner par leur vote et consacrer par leur présence l’union du souverain.

Le premier mariage du roi Alphonse avec la reine Mercedes avait été l’union de deux enfans de la même famille, la réalisation naïve