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part quelques excentricités dont le retour des amnistiés a été l’occasion et qui restent sans écho. Bref, la république en est venue à n’être plus par elle-même, par son nom, par son principe, une incessante menace. C’est un fait, c’est un des aspects de la situation. Et cependant, quelles que soient ces apparences favorables, qu’on ne s’y trompe pas, il y a un autre fait qui n’est pas moins frappant, c’est que la confiance est loin d’être entière et sans mélange. En dehors des satisfaits de vocation, d’intérêt ou d’amour-propre, qui forment le troupeau de tous les régimes, il y a la France, il y a tous ceux qui ne se paient point de mots ou de banales illusions, qui, dans l’indépendance de leur raison ou de leur instinct, gardent le souci persistant du lendemain. Assurément, quoi qu’on en dise, ce n’est pas de l’hostilité ; on ne se méfie pas des intentions, on accepte le présent pour ce qu’il est, avec la tranquillité qu’il assure. On sait que l’honnêteté est au premier poste de l’état, que la bonne volonté et l’esprit de modération sont chez les principaux membres du gouvernement, que, dans leur ensemble, malgré des entraînemens ou des méprises toujours possibles, les chambres elles-mêmes ne dépasseraient pas certaines limites. On le sait, on le croit. Au premier incident qui éclate, le sentiment de l’incertitude n’est pas moins prompt à se réveiller. La confiance, peut-être prête à naître, est tout à coup paralysée ou refoulée ; avant de croire complètement à l’avenir, à la durée, on hésite, on attend une expérience plus prolongée et plus décisive. Voilà la contradiction faite pour donner à réfléchir : elle ne s’explique nullement par le travail des propagandes ennemies.

Le secret de cette contradiction des choses, de ces perplexités d’opinion est bien simple, et il ne s’agit nullement ici de faire de vulgaires querelles à un gouvernement nouveau, dont le rôle est assez, difficile. Le secret des complications morales et politiques du moment, c’est qu’à côté de cette république qui existe, qui est acceptée avec les garanties dont elle est entourée, avec le caractère qui lui a été imprimé, il y a tout un travail pour la dénaturer par des passions et des excès de parti, pour lui donner une autre figure, une autre signification, une autre direction. Le secret des défiances inquiètes qui se manifestent encore souvent, il est dans les confusions de majorité, dans les oscillations de conduite, dans l’hésitation à dégager et à affirmer la politique du régime nouveau, dans des concessions ou des complaisances qu’on croit quelquefois nécessaires et qui ne font que prolonger une dangereuse équivoque. Exemple : le conseil municipal d’une grande ville décide qu’il faut célébrer une fête, nationale ou communale le 21 septembre en commémoration, de la république de 1792. Il y a un mois, c’était le 10 août, maintenant c’est le 21 septembre qu’il faut célébrer ; M. le ministre de l’intérieur se borne à signifier que « le conseil a empiété sur les pouvoirs publics », et que, de plus « le programme soulève une