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à la cour ! » inscrire son nom au frontispice du monument de M. Garnier, succéder à M. Perrin, la prétention semblait bizarre et l’opinion rééditait pour lui l’apostrophe légendaire de la comtesse Zichy à cette femme de banquier qui demandait à faire partie du cercle intime : « Vous, chez moi, quelle idée! » Mais M. Halanzier n’était point homme à se déconcerter; ni les petites rebuffades ni les grandes n’ébranlèrent sa confiance. Il en devait du reste voir bien d’autres; en une nuit, la salle de la rue Le Peletier disparaissait dans les flammes : plus de théâtre, plus de décors, plus de répertoire ! Sans parler ici de l’homme d’Horace imperturbable au milieu des ruines, nous pouvons dire que M. Halanzier supporta dignement ce coup du sort, l’idée d’abandonner son poste ne lui vint pas, il se contenta d’émigrer à Ventadour; ingrate et rude campagne pendant laquelle à force d’industrie on maintint debout le spectacle, période de captivité avant la terre promise ! L’inauguration de la nouvelle salle était en effet le point de mire, et de ce jour seulement commença la vraie exploitation. A l’ère des grands désastres succédait l’ère des difficultés, car il s’agissait maintenant d’aborder l’inconnu.

Ce qui se dépense en pareille occasion d’énergie et d’intelligence, le public ne s’en inquiète guère, et quand un directeur de théâtre a fait fortune, il lui suffit de le proclamer un homme heureux et d’en parler comme d’un joueur qui a la veine. Il y a toujours dans nos jugemens humains un fond d’envie et de coquinerie, et il nous en coûte moins de mettre au compte du hasard le succès des autres que d’attribuer ce succès à leur mérite. Former une bonne troupe d’ensemble, relever un à un les chefs-d’œuvre du répertoire, appeler à soi les jeunes maîtres et les vieux, tenir tête au Roi de Lahore de M. Massenet, comme à la Jeanne d’Arc de M. Mermet et au Polyeucte de M. Gounod, représenter en outre des ballets selon le goût des amateurs et les exigences du cahier des charges, voilà bien des efforts que la critique aurait dû prendre en considération, et cependant les attaques épargnèrent si peu M. Halanzier qu’en 1875, il en était réduit à se défendre dans un mémoire adressé à la commission du budget et dont maint paragraphe qui ne visait alurs que le passé pourrait être ici reproduit en vue du présent. « On allègue contre moi deux griefs ; le premier consiste à dire que je ne suis pas ce qu’on appelle un directeur-artiste, le second a trait à la situation exceptionnellement prospère de l’Opéra, comme si de ces deux griefs le second ne réfutait pas le premier, étant admis généralement que la prospérité d’une entreprise théâtrale ou autre ne saurait être que la conséquence d’une bonne administration. » Après quoi, le directeur rais en cause ouvrait carrément la discussion et démontrait par des argumens clairs comme des chiffres qu’il avait fait ce que les autres n’ont point fait. «M. Perrin touchait une subvention de 900,000 francs, moi