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et leur enivrement se montraient dans le domaine des lettres comme dans celui des arts; c’étaient les signes précurseurs de la seconde renaissance.

Nicolas V eût fait des merveilles s’il faut en juger par ce qui nous reste de ses travaux au Vatican. Non-seulement ce pape, ancien bibliothécaire des Médicis, a réellement fondé l’incomparable bibliothèque Vaticane ; mais c’est lui encore qui a fait décorer, par un artiste tel qu’Angelico da Fiesole, cette chambre où M. Müntz reconnaît son oratoire privé ou son cabinet d’étude, son studio. Tout le monde a admiré cette chapelle de Nicolas V, comme on l’appelle aujourd’hui, où le maître, aidé de son élève Benozzo Gozzoli, a représenté la vie de saint Etienne et celle de saint Laurent, précieux débris heureusement échappé aux destructions de la seconde renaissance. Nicolas V avait encore fait venir Piero della Francesca, dont les fresques ont dû disparaître pour faire place aux œuvres de Raphaël, qui cependant les admirait, Benedetto Buonfiglio, un des plus importans prédécesseurs du Pérugin, l’habile Andréa del Castagno, Bartolomeo di Tomaso, un des chefs de l’école ombrienne, et une foule d’autres artistes distingués, dont les travaux devaient orner surtout le Vatican et Saint-Pierre, mais aussi Sainte-Marie-Majeure et le Lateran. Il employa l’illustre Léon-Baptiste Alberti à réparer l’aqueduc de l’Acqua Vergine et à construire la fontaine de Trevi où cette eau devait aboutir. Bernardo Rossellino, Aristote de Fioravante, de Bologne, cet habile architecte si fort admiré pour avoir su transporter une tour sans l’abattre, devinrent ses cliens recherchés et firent grand honneur à son pontificat.

L’ardeur de construction se montre si dominante alors qu’on pense immédiatement aux dommages qui en pouvaient résulter pour les monumens antiques et pour les œuvres délicates du moyen âge. C’est ce qui fait aussi qu’on est tenté, ce semble, de ne pas être aussi sévère que l’a été M. Müntz pour un pontife tel que Pie II. Il le blâme d’avoir voulu bâtir de préférence à Corsignano, sa patrie, la même ville qui de lui s’est appelée Pienza, et dans Sienne, berceau de sa famille, Rome étant à ses yeux comme un asile des monumens antiques, qu’il fallait seulement respecter et conserver. — Cette vue pouvait se soutenir cependant ; si elle avait été longtemps suivie, nous aurions sauvé du naufrage beaucoup de précieux morceaux de l’architecture et de la sculpture antiques. La bulle du 28 avril 1462, par laquelle il recommandait en lettré, en humaniste, la bonne conservation et le respect des anciens édifices, méritait d’être mieux comprise et mieux obéie qu’elle ne devait l’être sous les grands papes ses successeurs.

Pie II n’édifia guère dans Rome que des ouvrages destinés à disparaître