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avec éclat par le souverain pontife, consacra la double majesté de Rome moderne ; cette période compte pour beaucoup dans l’histoire monumentale, soit par les travaux du pape Adrien Ier, qui répara les murs et les aqueducs, soit par le premier exemple connu du plus intelligent hommage qu’on pût rendre aux monumens antiques : le manuscrit d’Einsiedeln, qui date d’alors, contient le plus ancien recueil d’inscriptions, joint à une description de la ville où se montre un explorateur instruit en même temps qu’un pieux pèlerin.

Les rédacteurs des Mirabilia n’ont certes pas su concilier aussi bien la dignité des souvenirs avec la manifestation de leur foi religieuse. On ne peut nier cependant qu’au fond de leurs légendes, même les plus absurdes, il n’y eût un vif sentiment d’admiration pour un glorieux passé, qu’il leur manquait seulement de mieux connaître et de mieux comprendre. Lorsqu’ils imaginaient que les diverses provinces auxquelles Rome commandait se trouvaient représentées au Capitole par autant de statues dont chacune, portant une clochette au cou, tournait la tête si quelque révolte se produisait au loin, et avertissait du danger, il y avait dans cette conception, quelque puérile qu’elle puisse être, l’idée de l’ancienne domination s’étendant à beaucoup de peuples éloignés et divers. Quand ils essayaient de marquer dans quel temple avait eu lieu le meurtre de César, quand ils montraient Cybèle apparaissant à Agrippa pour lui ordonner de construire le Panthéon, quand ils refaisaient à leur manière l’histoire « d’Octavian empereur, de si grande beaulté et prospérité, vivant en paix et justice, et que le monde entier vouloit adorer,.. » quand ils rapportaient enfin la célèbre scène de la clémence de Trajan, — bien qu’ils s’appliquassent toujours à mettre chacune de ces légendes païennes en relation forcée avec quelque légende chrétienne, ce n’en étaient pas moins autant d’hommages sincères envers l’antiquité classique.

Pour trouver les premières traces d’une renaissance romaine offrant quelque originalité réelle, ce n’est pas encore le XIe siècle qu’il faut interroger ; en effet, lorsque le célèbre moine Didier, en 1066, fait construire l’église du Mont-Cassin, c’est à Constantinople qu’il demande des fondeurs en bronze, des mosaïstes, des orfèvres; il fait venir des artistes amalfitains, élèves des écoles byzantines, et des Lombards, habitués, comme le furent toujours ces Italiens du nord, à travailler la pierre. S’il vient à Rome, c’est seulement pour y faire acquisition de colonnes, de marbres sculptés, de chapiteaux, qu’il y rencontre tout faits et à bon compte, car toute la ville n’est qu’une vaste carrière où se débitent les débris des anciens monumens. Les Romains d’alors ne sont pas plus architectes