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stagnation des transactions immobilières. On a fait avec raison de grands sacrifices pour activer les affaires commerciales et industrielles dans l’intérêt de la prospérité générale. La circulation plus facile et plus rapide des propriétés foncières, qui représentent la plus grande partie de la richesse sociale, produirait un résultat économique non moins considérable. Les droits de mutation qui étaient déjà avant 1870 de 6.05, y compris le décime établi par la loi du 6 prairial an VII, ont été depuis nos désastres augmentés de 1 décime 1/2, c’est-à-dire de 82 cent. l/2 pour 100; ils sont actuellement de 6.87 cent. 1/2 pour 100. Si on y ajoute les droits de timbre et les autres frais accessoires, ils accroissent d’un dixième le prix d’achat. Les aliénations immobilières sont nécessairement entravées par cette fiscalité excessive.

Avant de songer à diminuer les anciens impôts, notamment le principal de la contribution foncière, nous avons le devoir de dégrever certaines taxes créées après nos malheurs, sous la pression des charges publiques. Un engagement législatif nous en impose d’ailleurs l’obligation. La loi du 31 décembre 1873, qui a établi des taxes additionnelles aux impôts indirects, notamment les décimes ajoutés aux droits d’enregistrement, dit que ces taxes sont créées à titre extraordinaire et temporaire, et l’exposé des motifs de cette loi ajoute que ces mots à titre temporaire et extraordinaire ont été placés dans la loi, comme indiquant pour les pouvoirs publics l’engagement, dès que la situation financière le permettra, de dégrever ces impôts.

Un économiste éminent qui s’est fait rapidement une grande situation dans la science financière, M. Paul Leroy-Beaulieu, voudrait que le droit de mutation sur les transmissions d’immeubles fût diminué jusqu’à 1 pour 100, et que l’on compensât jusqu’à due concurrence la perte du trésor par le produit de 10 centimes additionnels généraux au principal de la contribution foncière. Nous ne croyons pas qu’on puisse aller jusque-là, ni surtout qu’on doive acheter la réduction des droits de vente par la création de centimes additionnels généraux; mais nous pensons que le législateur doit affecter les sacrifices qu’il croit pouvoir faire en faveur de la propriété foncière à une diminution des droits de mutation, plutôt qu’à une réduction partielle du principal de l’impôt foncier. Si, en même temps qu’on dégrèverait les droits d’enregistrement, on modifiait les tarifs des officiers ministériels en matière de vente, on donnerait certainement par cette double réduction un grand essor aux transactions immobilières. L’augmentation du nombre et de la valeur des mutations ne serait pas seulement une cause de prospérité générale ; elle donnerait, de plus, au trésor public le