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action toutes les figures de droite et de gauche, et la hauteur de celles-ci doit décliner sans cesse, mais naturellement, jusqu’aux extrémités du tympan. Il faut donc des personnages debout, d’autres courbés, assis ou agenouillés, d’autres enfin couchés, mais tout cela sans effort, de manière à former un ensemble naturel et vraisemblable. Pour atteindre ce résultat, heureusement, une scène de tumulte n’est pas nécessaire, témoin les deux frontons du Parthénon lui-même qui représentaient dans leurs groupes, l’un la naissance de Minerve, l’autre la dispute très pacifique de la déesse avec le dieu des mers. Mais Thorvaldsen, à coup sûr, ne connaissait, en 1820, aucune description du Parthénon, si ce n’est peut-être les vieux et très imparfaits dessins de Stuart. Il a donc eu le mérite de créer son Sermon de saint Jean sans autre modèle, sans autre précédent que le Combat du temple d’Égine : et l’on devine aisément pourquoi, entre tous les épisodes de l’Évangile, il a préféré la Prédication de saint Jean-Baptiste dans le désert. C’est qu’il trouvait là une grande variété de personnages, de types, de motifs pour sa sculpture, et je ne comprends pas pourquoi l’on a dit que ce sujet était plus philosophique que chrétien. Il est souverainement l’un et l’autre à la fois. Placer sur le seuil d’une église l’image de celui qui fut le dernier des prophètes et le premier des apôtres, de celui qui criait dans le désert: Préparez la voie du Seigneur et appelait tous les hommes au baptême de la pénitence, le placer au milieu de ses auditeurs, les uns attentifs et touchés, les autres indifférens ou sceptiques, n’est-ce pas représenter la prédication même de l’Évangile, telle que le monde l’entend depuis dix-huit siècles? Et ce sujet n’est-il pas bien à sa place sur la porte même du temple, où l’austère prêcheur semble encore inviter la foule? S’il y a là de la philosophie, c’est de la meilleure : elle est d’un catholique aussi bien que d’un protestant et plût à Dieu que nous pussions admirer ce chef-d’œuvre de l’artiste penseur à Paris même, sur le fronton de la Madeleine !

La composition se développe sur une longueur de plus de douze mètres. Le saint Jean qui en occupe le milieu, sous l’angle même du fronton, connue la Minerve dans le Combat des Troyens et des Grecs, mesure deux mètres et demi de hauteur avec sa base, ce qui donne des proportions doubles de celles des marbres éginètes. Le groupe entier se compose de seize figures exécutées en terre cuite, sans doute pour qu’il fût plus facile de les élever à cette hauteur, ou plutôt pour éviter l’action fâcheuse d’un climat très humide sur le marbre; au reste, ces terres cuites surpassent en blancheur et en éclat celles que nous ont laissées les artistes de la renaissance. Ces statues n’ont d’autre base qu’une plinthe qui figure le sol sur lequel marchent les personnages, sauf le saint Jean qui se