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de statues, auxquelles la colonne trapue et le lourd entablement de l’ordre dorique serviront en quelque sorte de piédestal. Faut-il faire honneur à l’école d’Égine de cette merveilleuse trouvaille, parce que c’est d’Égine que nous en vient le plus ancien spécimen connu? La question est difficile à résoudre et restera en suspens jusqu’à de nouvelles découvertes. Cette grande école d’Égine, si féconde au VIe siècle, était bien capable d’une telle inspiration. Quoi qu’il en soit, ce mode de décoration sculpturale, à peine trouvé, eut, comme nous dirions aujourd’hui, un tel succès, il parut si beau et si juste que l’usage en devint aussitôt général dans la Grèce. Tous les temples bâtis dans les siècles suivans, aussi longtemps que travaillèrent les architectes grecs, ceux du style ionique ou corinthien, aussi bien que ceux de l’ordre dorique, reçurent dans leurs frontons des groupes en ronde bosse et les plus grands sculpteurs rivalisaient pour ces créations. Tout le monde connaît, au moins par les moulages, les marbres des frontons du Parthénon, et les fouilles récentes d’Olympie ont mis au jour des fragmens non moins beaux, quoique trop mutilés, qui ornaient les frontons d’un grand temple. Pline et Pausanias nous ont décrit plusieurs autres ornementations du même genre, célèbres dans le monde ancien. Grâce aux recherches des archéologues, aux habiles restaurations de nos architectes, nous connaissons à merveille aujourd’hui toute l’économie et tout le détail d’un temple grec et nous pouvons imaginer ce qu’étaient ces groupes de marbre, eux-mêmes coloriés, sur la façade des édifices polychromes. Mais on en peut prendre une idée plus vive, on en peut voir l’effet exact au musée de Berlin.

Les conservateurs de ce musée, qui le dirigent avec une entente et un zèle remarquables, ont eu l’idée très ingénieuse de simuler une façade du temple de Minerve à Égine, la façade occidentale, celle dont les statues sont toutes conservées. C’est une charpente en bois, représentant, dans leurs dimensions originales, les six colonnes, l’entablement et le fronton, garni des moulages du célèbre groupe; elle est appliquée à la paroi d’une grande salle, avec une saillie suffisante, et revêtue de tous les détails d’une décoration polychrome. On s’est à peu près conformé pour les dessins de cette décoration aux données recueillies autrefois à Égine par MM. Blouët et Cockerell, sauf pour les couleurs, car on a peint en rouge le tympan qui était bleu. Peut-être l’a-t-on fait pour mieux détacher sur ce fond la blancheur monotone des plâtres, et d’ailleurs l’exactitude archéologique n’est pas ici ce qui nous préoccupe. L’effet de cette restauration est surprenant et enchanteur pour qui connaît déjà les marbres d’Égine. A la Glyptothèque de Munich on les a disposés avec beaucoup de soin et de goût sur une longue base, dans l’ordre